Et si Edouard OUEDRAOGO était l’homme du consensus?

Et si Edouard OUEDRAOGO était l’homme du consensus?

Depuis pratiquement une dizaine de jours, les Burkinabé se concertent pour trouver un consensus national sur l’homme qui doit conduire la transition au Burkina Faso tel que voulu par les burkinabé, les principaux artisans de l’insurrection populaire du 30 octobre 2014. Dans un tel contexte de crises, quel pourrait être le rôle de la culture en tant que socle de cohésion d’une nation ?
Pour en parler, nous avons rencontré des hommes de culture notamment Edouard OUEDRAOGO, Prosper KOMPAORE, Dramane KONATE et la réaction de Madame Alimata SALAMBERE, respectivement Directeur de l’Observateur Paalga, Directeur de l’Atelier Théâtre burkinabé, Spécialiste Culture & Civilisations et Présidente de l’AIFA pour la section Burkina. Voici donc leur lecture de l’évènement en cours au Burkina:

Nous avons d’abord posé la question à Edouard OUEDRAOGO ” Et si Edouard OUEDRAOGO était l’homme du consensus?
Edouard OUEDRAOGO (E.O. : ) Comme tout le Monde, je salue cette insurrection populaire, je dis bien cette insurrection populaire qui est sortie victorieuse au soir du 30 et 31 octobre 2014 pour mettre fin à une dérive dont on redoutait vraiment le pire. Je m’incline pieusement devant la mémoire de ceux qui y ont laissé la vie, ceux qui ont été atteints dans leur intégrité physique et morale et qui sont en traitement dans les formations sanitaires. Je leur souhaite prompt rétablissement. Je salue particulièrement la jeunesse car son héroïsme me rappelle ce que fut la nôtre de ma génération, le 03 Janvier en 1966 quand effectivement nous nous sommes aussi mis au devant de l’insurrection organisée par les syndicats et les hommes politiques pour faire barrage aux mesures d’austérité qu’envisageait le [[régime]] Maurice YAMEOGO.
Comme je le redoutais, l’insurrection a connu des dérives qui m’ont beaucoup sidéré surtout dans la partie vandalisme et autres scènes de pillage. C’est vrai qu’en 1966, Ouagadougou avait à peine 100 000 habitants et dans les rues, il y avait peut-être 10 000 à manifester. Ce que je déplore surtout, c’est le fait que des gens très mal intentionnés aient plus ou moins dévoyés cette lutte qui était légitime dans son fond. C’est déplorable !

Que dites-vous donc de l’insurrection populaire de Janvier 1966; comment avez-vous organisé la lutte?
C’était à peu près la même lutte et peut-être même moins encadrée que ce que nous connaissons aujourd’hui. Comme je le disais, la ville n’était pas aussi peuplée comme aujourd’hui; mais il y avait moins de 3e larron qui était à l’affût. Les manifestants étaient surtout des élèves du Lycée ZINDA, de l’Ecole Normale et moi, je faisais partie des premiers étudiants de Ouagadougou. C’était donc des gens d’un certain niveau intellectuel qui étaient sortis souvent par simple romantisme et qui n’étaient guère habités par l’esprit du gain facile ou d’un instinct de pillage et de vol.

La Jeunesse, comme vous le disiez en janvier 2014 ” aura un rôle important à jouer”. La manifestation du 30 et du 31 octobre dernier correspond-t-elle au rôle que vous avez voulu assigner à notre jeunesse ?
Oui ! je pense que notre jeunesse était à l’avant-garde. Si elle n’était pas présente, je ne suis pas sûr que l’insurrection aurait engrangé rapidement la victoire qui a été la sienne.

Depuis 10 jours le Burkina est sans gouvernement. Les Consultations se poursuivent en vue de trouver un consensus vers une transition civile normale. Quelle est votre lecture des choses en vue d’une issue heureuse ?
Je suis déjà content que le Lieutenant-colonel ZIDA qui a pris les rênes et d’une manière générale, l’armée ait accepté le principe de remettre rapidement les affaires aux civils pour conduire la transition. Ça, c’est déjà un bon point ! Je suis également satisfait de constater que la société civile, les religieux, les coutumiers, les partis politiques aient travaillé à sortir un avant-projet de charte qui sera soumis aux nouvelles autorités. Donc, je suis ravi que nous ayons rapidement amorcé les bases vers un retour des civiles aux affaires.

Avez-vous des éléments assez objectifs qui vous permettent d’apprécier que les différents partis politiques pourront réellement s’entendre sur un homme de consensus ?
Bon je ne peux pas lire dans la boule de Cristal. Mais je crois que tout le monde comprend que nous avons intérêt à savoir sublimer chacun en ce qui le concerne, ses intérêts de clan, de parti ou de groupe pour aller à l’essentiel et permettre que le pays se remette rapidement au travail sous la direction d’une équipe civile. Nous savons tous que 2014 n’est pas 1966. Aujourd’hui, il y a un certain nombre d’organismes et de protocoles dits organisme d’Alger, protocole de Bamako, textes de la CEDEAO en matière de démocratie qui prohibent désormais toute prise du pouvoir par la force quelles que soient les motivations, la justesse ou la cause. Fort heureusement, la CEDEAO ou l’UA semble avoir compris la spécificité de ce qui vient de se produire au Burkina. EIles savent que c’est une insurrection populaire au terme de laquelle seule l’armée s’est avérée comme étant la seule force organisée qui pouvait, ne fut-ce que momentanément prendre les reines du pays pour éviter que la nation ne sombre dans le chaos.

Serez-vous prêt à diriger la transition si de manière consensuelle le président ZIDA et la société civile vous faisait appel ?
Je pense que conduire un journal d’information comme “L’OBSERVATEUR PAALGA” en cette période particulièrement délicate de la vie de notre pays est déjà suffisamment une tache absorbante que je ne peux aspirer à autre chose. Aussi à mon âge, je ne dois pas prétendre à pouvoir faire autre chose que cela.

Vous faites bien de parler d’âge. C’est justement une des raisons et la sagesse dont on vous connait également qui pourraient être des critères solides pour vous retenir!
Je pense qu’il y a beaucoup de gens comme moi pour faire ce travail; c’est-à-dire pour conduire la transition. Mais il n’y a certainement pas beaucoup pour faire le travail que je fais statutairement à la tête du Journal “l’Observateur PAALGA”.

Nous croyions que c’est une question d’intérêt national. Si la société civile et le Colonel ZIDA trouvent que vous êtes l’homme qu’il faut pour éteindre le feu, vous n’allez pas évoquer des questions d’intérêts personnels pour vous dérober; n’est-ce pas ?
Bon ! je comprends; mais sincèrement, je ne souhaite pas qu’on en soit là. Je ne crois pas que je puisse vraiment être l’homme sans qui cette transition ne peut se faire. Comme je vous le dis, je ne le souhaite pas !

ed_03.jpgQuelle pourrait être en ces temps de concertation la contribution de la culture en tant que repère et socle de cohésion au sein d’une nation ?
La culture, comme on le dit, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Mais est-ce qu’on peut oublier les dérives que j’ai tantôt évoquées?. Que les manifestants s’en soient pris instinctivement à certains symboles qu’ils pensent être l’émanation ou la traduction du système défunt, c’est normal et on peut comprendre. Ce sont des choses qui se produisent même dans les pays dit avancés en démocratie. Mais les cas de vol ou de scènes de pillage sont les signes qui montrent que quelque chose de nos valeurs culturelles est en train de s’en aller. Les pillages et les vols n’ont rien à voir avec ce qu’on attendait d’un burkim-bila (homme intègre ou homme de bien). Il y a eu des actes dans le feu de l’action qui sont anti-culture. En Afrique, quand votre ennemi ou votre adversaire est déjà au sol, vaincu et terrassé on doit pouvoir à l’instant lâcher prise. Mais cette partie, je ne l’ai pas sentie dans le comportement de notre jeunesse. Donc, les fondamentaux de notre culture sont encore à revisiter. Notre société n’est-elle pas en train de muter et de devenir une société où s’installent l’indifférence, l’égoïsme, l’appât du gain facile, un penchant malsain à se repaître du malheur d’autrui voire à s’enrichir à cette occasion ?
P.K

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