Justin OUINDIGA dit GSK: de l’église à la scène

Justin OUINDIGA dit GSK: de l’église à la scène

Ces quinze dernières années au Burkina FASO ont été marquées par un boom artistique. En effet, ce qui était considéré comme métiers dévalorisants ou humiliants fascine aujourd’hui la jeunesse. Ainsi, de la musique au théâtre en passant par l’humour et le cinéma, beaucoup de jeunes voient en ces domaines un certain eldorado.

Si les uns y sont restés pour arrondir les fins de mois ou gagner leur pain, certains par contre le font avec un réel amour au point qu’ils refusent même souvent de troquer leur dignité contre les cachets mirobolants. Combien d’artistes aujourd’hui sont capables de tels comportements, transcender leur cupidité pour des raisons de principes? A travers justement cette interview, nous vous faisons découvrir un de ces spécimens rares: Justin OUINDIGA alias GSK puisque c’est de lui qu’il s’agit. Cet ébéniste de formation, nous a fait d’étonnantes révélations sur le métier de comédien.

Artistesbf: Comment vous présenter à nos lecteurs?
GSK: Je m’appelle Justin OUINDIGA, comédien. Connu aussi sous le nom GSK à travers la série télé “Affaires publiques”, je suis initialement ébéniste de profession. GSK signifie Gomkoudougou Samuel Korogo, c’est le nom du personnage que j’incarne dans la série télé “Affaires publiques”.

Artbf: comment êtes-vous venu au théâtre?
GSk: C’est l’église qui m’a conduit sur la scène théâtrale à travers notamment les MESSECA (les messagers de l’espérance de saint Camille) avec comme metteur en scène Mr Paulin WANGO. Ma carrière professionnelle proprement dite commence à l’ATB (Atelier Théâtre Burkinabé) en septembre 1997. Mais c’est à travers un concours diocésain que j’ai rencontré Prosper Compaoré,( Directeur actuel de l’ATB) qui s’est entretenu avec nous sur le théâtre forum, qui m’a tout de suite accroché. Depuis lors, je me suis intéressé aux activités de l’ATB où j’ai d’ailleurs passé 7 ans.

Artbf: Quelles sont les pièces phares dans lesquelles vous avez jouée?
GSK: il y’a deux poèmes qui m’ont marqué lors de mon séjour à l’ATB. Il s’agit entre autres de “cahier d’un retour au pays natal” de Aimé Césaire et de “NIAMERAMBO” d’un auteur tchadien qui parle du génocide rwandais. Il y’a également le film “Le fauteuil ” du réalisateur Missa HEBIE; ce film n’est autre que le prolongement de la série “Affaires publiques”.

gsk_03.jpgArtbf : on constate que GSK est rare sur le grand écran. Cela est dû à quoi?
GSK: En fait, j’ai toujours été un homme de théâtre. C’est d’ailleurs sur les planches que le cinéma m’a trouvé. On ne me voit pas beaucoup au grand écran parce que je ne participe pas aux castings. Jusque-là, je peux vous dire que tant qu’on ne m’appelle pas, je n’y vais pas. C’est parce que les comédiens partent aux castings qu’ils disent qu’on les exploite ou qu’on les a mal payés. Pour ne pas avoir à prononcer de tels propos, je préfère éviter les castings. Si on va au casting, cela veut dire qu’on est intéressé par quelque chose. Soit qu’on veut être vu au petit écran ou qu’on a un besoin d’argent. Pour un comédien déjà connu, le casting n’est pas utile car le producteur connait déjà ton jeu d’acteur. C’est le cas par exemple de la série télé “Affaires publiques” et pour le film “Le fauteuil”. La plupart des gens se plaignent d’être exploités mais pas moi car j’ai toujours été franc quant à ma participation à un projet donné. Même si j’ai souvent été mal payé j’étais d’accord avec cela; tout dépend de l’approche de la production.

Artbf: peut-on dire que GSK vit de son art?
GSK: Plus ou moins; car je ne compte pas que sur mon art. Je suis ébéniste de formation. En dehors de mes activités théâtrales, je fais l’ébénisterie qui est ma fonction première. Je suis 50% artistique et 50% ouvrier.

Artbf: d’aucuns pensent que les cachets ne sont pas conséquents dans le domaine du cinéma. Qu’en pensez-vous?
GSK : il y’a une misère qui se cache derrière les cachets des comédiens. Cette misère se situe entre le comédien et la production. Les producteurs ont toujours les mêmes chansons. ” C’est comme je vous le disais tout à l’heure, nous n’avons pas les moyens, nous allons faire avec les moyens de bord, on vous demande de nous accompagner et ainsi de suite …”. Et pendant ce temps, le comédien est en train de se ployer en quatre en suppliant le producteur de lui arrondir sa proposition financière. Donc, il y a comme une synergie de misère de part et d’autre qui fait que le peu d’argent que le comédien va gagner ne lui servira pas à grand-chose. En fait, il a eu ce à quoi il ne s’attendait pas. Je crois donc qu’il y a un manque de sincérité au niveau des comédiens et des porteurs de projet. Généralement, ils présentent de gros projets avec des chiffres qui épatent les partenaires financiers. Mais dès qu’ils reçoivent les fonds, ils reviennent vers les comédiens pour leur raconter d’autres choses. Alors, vous avez en face de vous quelqu’un qui cherche à tout prix à vous donner le tiers du cachet prévisionnel (initialement prévu dans son projet). C’est pour cette raison que je ne fais pas les publicités. Nous sommes des acteurs qui utilisons le cinéma et le théâtre pour sensibiliser. Or, les publicités ne vont pas toujours dans le même sens; c’est-à-dire que les messages publicitaires incitent surtout à la consommation. Pour ce qui me concerne, je ne peux dire une chose et son contraire aussi faramineuse que soit votre proposition financière. J’ai maintes fois refusé de réaliser des spots publicitaires pour de nombreuses structures de la place malgré leurs gros cachets. Je ne sais pas combien d’artistes seraient capables de rejeter de telles propositions ! J’aurais pu accepter les différentes propositions afin de changer constamment de moto comme le font les autres. Mais, ça m’apporte quoi ? En fait, c’est un principe et je le fais en toute modestie.

gsk_001.jpgArtbf: Parlez-nous du cachet de la série “Affaires publiques”; a-t-il été consistant ?
GSK: Non le cachet n’était pas consistant au début mais l’approche de la production a été sincère. La production de la série télé “Affaires publiques” nous avait fait les propositions suivantes: 25 000 frs par épisode en raison de cinq séquences par comédien, 30 000 frs à partir de 6 séquences, et 35 000frs pour 7 séquences et c’était comme ça pour la première saison. C’est en fonction de ta distribution que tu avais plus ou moins. C’est ainsi que “Affaires publiques” a pris son envol, les gens ont bien aimé et ils ont voulu reconduire l’histoire. C’est là que j’ai dit non; j’arrête ! Je continuerai à condition que la production révise le cachet à la hausse à hauteur de 50 000 frs par épisode pour la deuxième saison. A la 3ème saison, j’ai encore refusé de continuer la série malgré les 50 000 frs que je leur avais proposés à la deuxième saison. Cette fois, c’est 75 000 frs ou rien ! Ce montant à mon avis, ne représente pas grand-chose pour une structure étatique comme la RTB au regard surtout de la problématique que nous soulevons dans cette série. Après moultes tractations, nous nous sommes compris à ce forfait et c’est ainsi que j’ai repris “Affaires publiques”.

Artbf: comment faire pour que le comédien vive de son art au Burkina Faso ?
GSK: C’est au comédien de tout faire pour vivre de son art en surpassant sa faim. C’est cette faim qui empêche justement certaines catégories de comédiens de pouvoir vivre de leur art. Il doit éviter d’associer son image à tout type de projet pour faire croire aux gens qu’il est très occupé et hyper sollicité. Pour moi, il n’y a pas lieu de jouer à la grande star avec de l’argent acquis dans la misère; NON ; la “Starmania” ne fonctionne pas avec moi !

Artbf: votre mot de la fin
GSK: Quel que ce soit le métier dans lequel vous êtes, il faut toujours faire son travail non pas par amour mais avec amour. On peut accepter par exemple que l’enfant de Rock Marc Christian fasse du théâtre par amour parce qu’il ne compte pas vivre de ce qu’il va gagner au théâtre; ce qui veut dire qu’il peut même être médiocre. Mais si cet enfant fait du théâtre avec amour, il est sûr de réussir. Comme nous le disait Prosper BAZIE dans la théorie de la mise en scène, “il faut pousser la sincérité du jeux pour toucher le cœur du spectateur afin que sa raison accepte de se plier”.
Patrick COULIDIATY et Bintou SANOU
Appréciez GSK sur scène dans cet extrait vidéo de la pièce ” Une couverture pour 6″

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