L’église et la jeune génération : Analyse de Mgr Titianma SANON

L’église et la jeune génération : Analyse de Mgr Titianma SANON

En Europe, les églises se vident. C’est le constat du moins que nous faisons depuis quelques années sur la fréquentation des jeunes dans les églises dans les pays dits développés. Les églises en Europe en effet, ne seraient aujourd’hui que l’ombre de la vieille génération. Heureusement qu’en Afrique, la tendance est encore à l’inverse.

Voici l’analyse de Mgr TITIANMA SANON, archevêque émérite de Bobo Dioulasso sur la fréquentation de moins en moins des jeunes dans les églises en Europe.

Lire aussi : Mgr Titianma SANON, à propos de l’éthique citoyenne

Mgr Anselme TITIANMA SANON (A.T.S) : (Sourire embarrassant). J’ai eu à l’expérimenter plus ou moins puisque deux ans après mon ordination, je me suis retrouvé à Paris pour une formation pédagogique et universitaire. On m’avait demandé d’assurer la messe de dimanche à 10 heures dans une paroisse. J’ai fait église pleine puisqu’ils n’ont jamais vu de prêtres noirs ; n’est-ce pas ? Il faut dire que les jeunes notamment, les adolescents sont en déséquilibre. Si on les aide à avoir l’équilibre, ils se sentent revivre…



 J’ai été ensuite à Rome. Mais là, c’était tout à fait diffèrent surtout au niveau des paroissiens. A l’église, chacun venait pour son Dieu. L’individualisme jusque dans la famille tue les meilleures valeurs. Chacun vient, il mange et il s’en va. Le Dimanche, la maman se lève pour  aller à l’église et ne se préoccupe pas de savoir si l’enfant ira à la messe ou pas. Même ici, le constat est là.

Alors, la famille devient comme des grains de chapelet ; si quelques chaines ne les relient pas, c’est le salut individuel puisqu’on se dit qu’on a qu’une seule âme à sauver ; c’est à dire, à chacun sa propre âme à sauver.

Je vais vous reprendre ce que j’ai vécu ici (à Bobo). Après ma nomination comme évêque de Bobo-Dioullasso,  des jeunes de Bobo m’ont écrit. C’était à l’époque de  l’Abbé André OUATTARA, le footballeur. Ils m’ont dit : « Vous allez remplacer Mgr Alain DUPONT, quelle place allez-vous donner à nous les jeunes ? ».

Devinez ma réponse. «Je n’ai pas de places à vous donner. Vous avez déjà une place dans la communauté. C’est à vous à la prendre ». Ma réponse les a surpris.



Et pour montrer que les jeunes ont leur place dans la communauté, après un reportage sur le Diocèse de Bobo, nous avons pu toucher des jeunes tous genres confondus. Et ce sont ces jeunes-là  qui ont célébré le 1er mai et qui ont marqué le début des journées diocésaines de la jeunesse.

ArtBF : Que pensez-vous des propos de certains intellectuels africains qui soutiennent qu’il faut rester attacher à la tradition africaine ?

Mgr A.T.S : Il existe tellement d’ambiguïtés dans ces genres de propos. Quand on dit tradition; qu’est-ce c’est ? Pour les uns, ce sont les valeurs ancestrales et pour d’autres, ce sont des spiritualités et une troisième catégorie de gens pense que ce sont des religions. Depuis 1965, nous avons essayé de décrypter tout cela pour arriver en 1994 à faire accepter ce que nous soutenions ; c’est-à-dire, que les africains aussi ont une religion ; pas des régions mais une religion. Cependant, on reconnait à l’intérieur de cela certaines façons de faire qui varient selon les milieux culturels. Le débat, c’est le problème de la culture.

La tradition ritualiste n’a rien à voir du tout avec la tradition religieuse. Il n’y a pas d’expert qui se présente pour qu’on réfléchisse en ce sens, sur la religion africaine. Sinon, nous avons commencé par dire : Fétichisme, NON ! Idolâtrie, NON ! Polythéisme, NON ! Coutumes, NON !



Quand on dit religion, il faut savoir qu’il y a un nommé. Or dans les traditions, il n’y a pas de nommé. Dans la religion par exemple, on parle de Dieu , Winam, Allah … ainsi de suite.  C’est ça qui fait la religion. Maintenant que le sous bassement ou que la tradition familiale est perforée, alors chacun essaie de pratiquer ce qu’il peut et de construire ce qu’il veut tout autour. Nous avons un grave problème de recherche pour revisiter tous ces concepts qu’on a imposés sur nos cultures.

ArtBF : Est -ce tous ces écarts de comportement ou ce désordre qui sont aujourd’hui l’une des causes de l’incivisme  ou la perte de l’éthique citoyenne ?

Bien sûr qu’il y a des jeunes qui sont dans des conditions correctes. Mais j’avoue que  du secondaire à l’université, de nombreux jeunes soufrent et sont frustrés. Dès la classe de 4ème, certains jeunes sont obligés d’écourter leur scolarité pour s’occuper des parents. Dans certains cas, c’est en troisième que la famille lui dit d’arrêter et de chercher du travail. Alors, lorsque l’élève n’est servi que par ce genre de langages à la maison, tout peut basculer.  Ce sont autant de situations qui poussent les étudiants ou les scolaires à abandonner leurs cycles scolaires pour trouver de quoi se nourrir et s’occuper des parents. A ce sujet d’ailleurs, un article de  presse faisait même cas de  «l’ étudiant commerçant». Il y en a plein de jeunes comme ça (les étudiants commerçants) qui sont obligés de faire du petit commerce pour survivre ou trouver 300 frs pour le repas de midi. Des jeunes quittaient même la Côte d’Ivoire espérant trouver mieux au Burkina. Mais généralement, ils sont déçus. Comment voulez vous que des jeunes dans de pareilles circonstances soient sociables. C’est ce qui fait que certains n’hésitent pas à «prendre» tout ce qui lui tombe sous la main pour peu que ça l’arrange. Il devient ainsi maraudeur malgré lui.



Ensuite, il y a la question des barrières linguistiques. Il est temps que nous apprenions toutes les langues à nos enfants car une enfant de 04 à 05 ans peut mémoriser au moins quatre langues. J’ai même un cousin qui parle les 04 langues :  Bobo, Dioula, Fulfuldé et Mooré.

Il est temps que les mossi se mettent au SAMO, que les BOBO se mettent aux Peulhs. C’est ce que j’ai toujours proposé aux écoles d’administration et dans les différents instituts. Il faut arriver à former des sociétés où on se comprend, où on se parle et où on se salue. J’appelle cela le bon voisinage. Nous sommes comme on le dit, 7 milliards de voisins et il faut faire de nous des voisins aimables, rien que pour le sourire, rien que lever les mains pour saluer …

ArtistesBF

Leave a comment

Send a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *