Me Guy Hervé KAM : A propos des démissions en séries des militants des partis politiques

Me Guy Hervé KAM : A propos des démissions en séries des militants des partis politiques

La vie politique du Burkina ne cessera de nous enseigner suffisamment de leçons. Les dernières en date, sont ces démissions en cascades des militants des partis politiques devenues une culture au Burkina à chaque changement de régime politique. Plus d’un burkinabè a dû constater quelques heures seulement après la chute de l’ancien Président Roch Marc Christian KABORE, des communiqués et  des lettres de démissions de militants de partis par lots de 10, 20 ou 30 pour rejoindre ou créer d’autres formations politiques.

 Pour certains hommes politiques du parti majoritaire, ces démissions sont liées au silence trop pesant de Bala SAKANDE, l’Ex-président de l’Assemblée Nationale (nationale) qui avait pris la poudre d’escampette aux premières heures du coup d’Etat.

Cependant, il faut saluer l’engagement de certains militants dont entre autres, Florence Marchal ILBOUDO (fidèle au parti) et de l’ancien PAN, Son Excellence Bala SAKANDE qui multiplie meetings et conférences de presse ces dernières heures en faveur de l’ancien président Roch Marc KABORE. 



Dans le camp du Mouvement pour le peuple (MPP), il susurre que ces séries de démissions des militants vers d’autres partis ou pour de nouvelles formations politiques  seraient liées au fait que le Président de l’Assemblée Nationale et par ailleurs Secrétaire général du Parti MPP serait resté longtemps caché on ne sait où et ce, dès les premières heures du Coup d’Etat. Ne sachant à quel saint se vouer, ces militants de base désorientés, sans mot d’ordre et sans direction ont préféré tout simplement « se chercher ».

Mais pour notre invité Me Guy Hervé KAM, coordonnateur du Mouvement « SENS », la raison est ailleurs. Pour Me Guy Hervé KAM,  il ne s’agit ni plus ni moins que d’un comportement de charognards qui se déplacent en fonction de la positon de la charogne pour mieux se servir.  A travers cet entretien, il nous donne sa lecture sur toutes ces démissions et  migrations des militants des partis politiques intervenues après la perte du pouvoir du MPP (Mouvement du Peuple pour le progrès).

ArtistesBF (ArtBF) : Après  la chute du Président Rock Marc KABORE, nombreux sont les militants qui ont démissionné du MPP pour migrer ou pour créer d’autres formations politiques. Quel est votre regard sur ces démissions en cascades devenues une culture au Burkina.

H.K : Je vous disais tantôt que la politique est le stade suprême de la charité. C’est l’engagement au profit de sa communauté. Et je vous disais aussi qu’il existe des gens qui font de la politique une échelle pour une ascension sociale personnelle. Malheureusement, ce sont les plus nombreux et  ceux qui ont infesté le monde politique et la classe politique est jugée à travers ces gens-là. En fait, ces personnes n’ont souvent aucune conviction. C’est un peu comme j’aime à le dire des charognards autour d’une charogne. Donc si la charogne se déplace, tout le monde se déplace pour aller prendre son morceau.Mais une fois encore, je vous le dis, il n’y a absolument aucune conviction politique ni idéologique qui sous-tend ça ou expliquent ces migrations ; tout est calculé pour être bien positionné pour capter au mieux les ressources de l’Etat. C’est exactement ce qui se passe et cela décrédibilise toute la classe politique. Et nous ne viendrons à bout de ce phénomène, que si les meilleurs d’entre nous ou les plus intègres s’engageront en politique pour faire changer ces comportements.



A propos de la démocratie, John LOCKE et Aristote partent du postulat que l’homme politique est un homme vertueux. S’appuyant donc sur cette théorie, nous n’aurons jamais de démocratie tant que nous n’aurons pas d’hommes politiques vertueux parce que pour ces théoriciens, les effets positifs de la démocratie partent du principe que la démocratie  est menée par des hommes qui ont de la vertu.

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Et là je m’adresse au peuple burkinabè. Nous sommes à un moment crucial pour la vie de notre nation pour des raisons éminemment politiques. Il faut que chacun accepte sacrifier un peu de son confort pour mettre la main à la pâte pour un changement. Nombreux sont les burkinabè qui ont crié de joie à l’avènement du MPSR parce que les militaires ont pris le pouvoir. Pour eux, la question sécuritaire devrait être réglée. Mais ils se sont rendu compte que c’est autre chose en lieu et place de leurs attentes. Donc, engageons-nous pour faire changer les choses au lieu de rester dans nos salons en train de critiquer parce que rien ne changera.

ArtBF : Pensez-vous qu’il ait encore des hommes intègres au Burkina ; qui sont prêts à abandonner leurs intérêts petits bourgeois et égoïstes pour l’intérêt général ?

H.K :Alors je vais peut-être vous étonner. Il existe au Burkina des hommes intègres, il y en a beaucoup. Le Burkina est vraiment comme son nom l’indique le pays des hommes intègres. Le seul problème, c’est que ces hommes intègres sont dans leur champ, leur entreprise individuelle, dans leur bureau. Ils travaillent nuit et jour pour le Burkina sans pour être en lumière. Ceux qui sont mis en lumière sont souvent les moins intègres et les plus médiocres d’entre nous qui sont à la recherche de la courte échelle pour une meilleure ascension sociale. Comme vous le savez, les tonneaux vides sont ceux qui font le plus de bruit. Et au Burkina, ce sont ceux-là qui font croire à l’opinion publique que notre pays ne mérite même plus d’être appelé « Pays des hommes intègres ». Une sagesse de chez nous dit que « C’est à cause d’un seul âne qui a mangé la farine que tous les ânes ont les museaux blancs ». Il faut travailler à donner envie aux vrais patriotes sincères de ce pays à s’engager. Il faut leur donner le courage de mettre la main dans cette pâte, le courage de rentrer dans cette politique sale. Lorsque nous disons « Servir et non se servir », nous n’inventons absolument rien. La politique doit être un engagement social de servir la communauté et non se servir. C’est cela le sens originel de la politique. On voit dans notre pays des gens courir vers toutes les religions et je me pose souvent la question de savoir si toutes ces personnes croient vraiment en Dieu. Si tel est le cas, qu’elles interrogent ces religions. Elles leur répondront que la politique est le stade suprême de la charité. Qu’est-ce qui fait alors que dans notre pays, nous passons pour de vrais croyants et que sur le plan politique, on ne voit que du désordre, de la saleté et de la corruption ? Notre objectif et notre combat,  c’est d’amener les bonnes personnes dans la politique.



ArtBF :Vous affirmez qu’il existe des hommes intègres au Burkina et pourtant, vous n’avancez aucune preuve pour nous en convaincre ?

H.K :Comme je le dis, ces hommes intègres sont cachés entre quatre murs en train de travailler. On les retrouve aussi bien dans les villages dans des conditions très difficiles et dans la haute sphère de l’administration en ville en train de travailler. Malheureusement, on ne les connait pas et on ne les entend pas non plus.  Même dans le milieu pauvre, il y a des hommes et des femmes intègres. Il n’y a que ceux qui font le bruit et qui courent à la soupe qu’on entend le plus. Et c’est à travers ces derniers justement qu’on croit qu’il n’y a pas d’hommes intègres.

Pour ma part, je reste convaincu qu’il y a encore au Burkina des gens très intègres et qu’il appartient aux Burkinabè qui ont eu la chance d’avoir aujourd’hui une bonne position sociale à s’engager pour donner la même chance à nos enfants et à nos petit-enfants.

Propos recueillis par Patrick COULIDIATI

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