Peggy OUEDRAOGO : "J’opte pour une éducation du genre dès la base. ..."

Peggy OUEDRAOGO : "J’opte pour une éducation du genre dès la base. ..."

« Agenda de femmes 2022 » reçoit aujourd’hui dans le cadre de la Journée Internationale des Droits de la Femme Peggy OUEDRAOGO, Directrice de la Communication et de l’Éducation Citoyenne (DCEC) à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Si pour certaines, l’ascension de la femme au plus haut sommet de l’Etat pourrait permettre à la femme de participer pleinement au développement de la société, tel n’est pas l’avis de notre invitée. Pour PEGGY OUEDRAOGO en effet, «  rien ne changera en la condition de la femme tant qu’on n’aurait pas mis l’accent sur l’éducation.

« J’opte pour une éducation du genre dès la base »

Malgré tout ce qui est fait en faveur de la femme, il existe toujours un fossé entre l’égalité de jure, l’exercice du pouvoir et la prise de décision. Qu’est-ce qui n’a pas marcher jusque-là ?

Peggy OUEDRAOGO : Dans le cadre de ce combat pour le mieux être de la femme, je dirai que tout a commencé d’abord avec l’émancipation de la femme,  le slogan a évolué pour devenir  « compter avec les femmes dans les sphères décisionnelles ». Nous sommes à cette logique aujourd’hui avec bien entendu en toile de fond, la grande bataille pour l’égalité des sexes.

Effectivement, c’est la même question qui revient. Qu’est-ce qui ne marche pas ? Pour moi, je peux dire que ça commencé à marcher. Je le dis pour la simple raison que  j’occupe à l’heure actuelle un  poste de directrice de communication.

Vraiment, je ne m’inscris pas dans une légalité comptable ; c’est-à-dire que pour moi, l’homme et la femme sont deux éléments présentant des caractéristiques différents. Ce qui explique qu’il est difficile de les mettre au même niveau du point de vue physiologique.



Par contre, d’un point de vue intellectuel et psychologique, il  ne devrait pas avoir de différence entre l’homme et la femme. La preuve, c’est que  nous (filles et garçons) allons dans les  mêmes écoles, nous sommes enseignées dans les mêmes classes. Même quand il s’agit des écoles de confessions religieuses où les filles sont séparées des garçons, c’est le même contenu qui est dispensé par les mêmes professeurs. Lorsqu’on étudie l’anatomie du corps humain en 3ème, il n’ y a pas de cours réservé aux hommes ou aux femmes.  Tous les élèves apprennent l’anatomie du corps humain masculin et l’anatomie du corps humain féminin.

A mon avis, il y a des choses qui marchent du point de vue de l’épanouissement de la femme parce qu’il existe aujourd’hui au Burkina Faso des textes qu’on ne pouvait pas imaginer et qui ont été adoptés en faveur de la femme. C’est un travail de longue haleine et c’est par nos actes qu’on se rendra compte du changement.

Pour revenir à ma personne. En tant que femme mariée, mère de trois enfants qui a accès à un certain nombre d’avantages, c’est déjà pour moi une avancée. Ma grand-mère par exemple n’a pas eu ces privilèges. Nous n’allons pas dire que  tout ne marche pas ; je ne suis pas d’accord qu’on le  dise ainsi !

Que ferez-vous si vous étiez Cheffe du pouvoir législatif ou Présidente de l’exécutif ?

Au risque de vous choquer, je dirai que même étant première Ministre ou Présidente du pouvoir législatif, rien ne changera. Rien du tout ! ça va seulement flatter l’Ego de ceux qui le souhaitent ainsi, ça va amuser ceux qui veulent qu’une femme soit promue à une instance décisionnelle. Femme première Ministre ou Cheffe de l’exécutif, ça fera un cas d’école peut-être.  Mais encore une fois, je dis que ça ne va rien changer en la condition de la femme. Barack OBAMA était Président des Etats Unis, a-t-il pu changer les conditions des Noirs en Amérique ?

Le Burkina Faso est l’un des pays de la sous région qui dispose des plus beaux textes sur l’épanouissement de la femme. Souvenez-vous de la loi Quota-genre qui a été fixée pour la prise en compte de 30% au moins des femmes dans les formations politiques ou sur les listes électorales. Dans quel pays trouverez-vous une telle  loi ? Ecoutez ! Les lois sont là, mais c’est leur application qui posent problème.

Alors, même si j’étais cheffe de l’exécutif ou première ministre, je répète que rien ne changera parce que je ne fonderai pas tout mon espoir pour que tous les problèmes de la femme soient résolus. Désolée,  je suis catégorique là-dessus !

Il faut par contre encourager le formidable travail abattu par les ONG, les Associations, tous les acteurs qui se battent dans l’ombre pour que la vendeuse de galette ait accès à un micro-credit, pour que l’accès à l’eau potable soit quelque chose d’équitable et  pour toutes les femmes sans exception.

Ensuite, il faut mettre l’accent sur l’éducation. J’opte pour une éducation du genre dès la base.  Il faut qu’on éduque les enfants( filles –garçons). Tant qu’on inculquera dans l’esprit du garçon qu’il est supérieur aux filles et que les filles sont inférieures aux garçons, le même problème se posera. Je vous disais tantôt que j’ai trois (03) enfants dont un garçon et deux filles. Si mon  garçon qui a 07 ans veut jouer à la poupée, je le fais jouer à la poupée. Ma fille qui a 05 ans est gardienne de football dans l’équipe de son école. Je ne dis pas que c’est extraordinaire. Mais c’est déjà un début de changement de mentalités.

Agir au niveau de l’éducation de base pour un changement de mentalités

Aujourd’hui, je crois que nous avons suffisamment de textes au Burkina. Maintenant, la question est de s’en approprier, les accepter et les vulgariser ? J’ai travaillé particulièrement sur un projet de documentaire pour l’Assemblée Nationale sur les femmes en politique de 1960 à nos jours. Nous nous sommes rendues partout sur le territoire burkinabè pour rencontrer les femmes qui ont officié dans la sphère politique de 1960 à nos jours. Il ressort que l’éducation a un rôle important à jouer.

Les évènements de 2014 ont montré également aux femmes que leurs premières ennemies ne sont pas les partis ou les leaders de partis politiques,  mais que ce sont les femmes elles-mêmes. La majorité d’entre elles affirment avoir été abandonnées pendant que les hommes eux,  se soutenaient. Pire, la femme qui s’était engagée pour ses convictions politiques a vu sa maison brûlée. Et comme si cela ne suffisait pas, son mari l’abandonne. A l’inverse, d’autres hommes politiques ont eu aussi leurs maisons brûlées. Mais leurs femmes ne sont pas parties pour autant. C’est pourquoi, je dis qu’il faut éduquer à la base avec des valeurs et des normes. Et c’est au niveau de l’éducation que nous pourrons agir de sorte que nos lois et textes puissent servir à la génération montante.

Enfin,  nous (les femmes) devons être solidaires bien que les choses se présentent différemment à nous. Il le faut si nous voulons aller de l’avant dans le combat. Et c’est  souvent cette solidarité qui manque et qui fait obstacle à l’aboutissement de nos luttes. Sans le vouloir, les hommes sont solidaires face aux femmes et c’est ce qui fait leur force.

Propos recueillis par Josette KIEMA

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