Tapis Rouge pour Germain Bittou NAMA, Directeur de Publication du Journal “l’Evènement “

Tapis Rouge pour Germain Bittou NAMA, Directeur de Publication du Journal “l’Evènement “

Cette semaine, nous déroulons notre tapis à Germain Bittou NAMA. Un homme de lettres, un professeur de Philosophie. Entre les classes et son domicile, il n’a cessé de cogiter pardon, de “philosopher ” et d’investiguer pour que triomphent la justice et la vérité dans son pays.


Engagé dans un combat sans merci contre l’injustice et l’impunité, Germain Bittou NAMA fait connaissance du journaliste émérite Norbert ZONGO alors directeur fondateur du Journal “l’Indépendant”. Mus par les mêmes idéaux, les deux hommes ne feront désormais qu’un en matière de journalisme d’investigation. Plongeant tour à tour leur plume dans le même encrier, ils ont grandement contribué par leurs écrits à l’éveil des consciences de nombreux lecteurs, jusqu’au jour où le second (Norbert ZONGO) tomba sous les balles assassines d’un commando armé. Mais c’était sans compter avec la détermination de Germain NAMA, désormais orphelin et intérimaire de la direction du journal de son ancien compagnon. Avec d’autres confrères, la jeunesse, les syndicats et une opposition politique de plus en plus forte, il accentua la pression à travers surtout son bimensuel “l’Evénement” pour que plus rien ne soit comme avant au Burkina Faso.
Tapis Rouge enfin pour Bittou NAMA, un père dont l’engagement va au-delà du journalisme. Il y a 20 ans de cela, rares étaient les parents qui acceptaient que leurs enfants embrassent une carrière d’artiste. Mais une fois encore, Germain Bittou NAMA a fait l’exception. Lisez plutôt !
Germain Bittou NAMA (G.B.N) : Je me nomme Germain NAMA, je suis le directeur de publication du journal “l’évènement “que nous avons créé en 2001 avec des amis. Avant le journal “l’événement”, nous avons évolué au niveau de “l’indépendant” jusqu’en 2002 où nous avons quitté ce journal pour nous consacrer exclusivement au journal “l’événement”. Mais à côté de nos activités de journaliste, j’ai enseigné comme professeur de philosophie de 1980 à 1993.Puis j’ai été muté au niveau de la Commission Nationale pour l’UNESCO où je m’occupais du département des écoles associées au niveau de l’UNESCO.Je suis également militant associatif et l’une des premières organisations à laquelle j’ai appartenu est le SYNTER (Syndicat National des Travailleurs de l’éducation et de la Recherche) que nous avons créée en 1981. J’ai été membre fondateur et membre du premier bureau de cette organisation pendant 10 ans. Par la suite, nous avons créé le Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP). J’ai été le président de la commission arbitral de cette organisation et j’ai été membre de l’Union Inter-africaine des Droits de l’Homme que présidait Maître Alidou OUEDRAOGO à l’époque.
Art. : Le journalisme, c’est ce que vous faites depuis quelques temps, quelle est la petite histoire?
G.B.N : C’est suite à l’assassinat du journaliste NorbertZONGO en 1998 que j’ai personnellement senti le vide qu’il y avait après lui. Etant un ami et sachant qu’il animait quasiment seul le journal, sa mort signifiait aussi l’arrêt du journal. Comme je n’avais pas envie que le journal meurt, j’ai immédiatement repris le journal. Avec donc les jeunes qui y travaillaient, nous avons continué à animer le journal. C’est essentiellement la raison pour laquelle je suis venu au journalisme. Mais il faut dire que j’avais commencé des collaborations avec SIDWAYA, avec Norbert ZONGO quand il travaillait au journal “LA CLE” en lui fournissant des articles de réflexion et des reportages que je ramenais de mission à l’étranger.Voilà comment j’ai flirté avec le journalisme avant d’en être un acteur plein.
Art. : Des années après le décès de Norbert ZONGO, vous avez quitté totalement “l’indépendant”; le journal de votre ami comme vous le dites. Qu’est-ce qui n’allait pas ou ne tournait pas rond ?
G.B.N : (un peu embarrassé) Euh… bon !! Oui ! Il y avait quelques difficultés et des incompréhensions sur lesquelles je ne souhaite pas m’étaler. La famille ZONGO compte tellement pour moi et c’est tellement sensible que je n’aimerais pas répondre à des questions qui touchent à sa famille. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que j’avais envie aussi de faire du journalisme avec un peu du recul. Avec l’Indépendant, je trouvais que la périodicité de parution était très rapprochée. Chaque semaine il fallait publier et comme j’étais un fonctionnaire, c’était difficile à tenir faire du journalisme avec une périodicité de parution moins rapprochée, plus large pour me permettre d’approfondir mes papiers de réflexions.C’est ainsi qu’avec des amis, nous avons réfléchi sur le contenu que nous voudrions donner au nouveau journal, à son format et à sa périodicité. De Mensuel au début,le journal est devenu bimensuel. Aujourd’hui avec ma retraite, je suis assez libre pour m’occuper du journal. C’est ce qui explique mon départ de l’indépendant qui n’a pas été certes volontaire mais lié au fait surtout que je voulais faire un journalisme posé.
Art. : Pouvez-vous nous citer les amis avec lesquels vous avez créé le journal?
G.B.N : Nous sommes quatre. Il y a Newton Amed BARRY, BAMA Stanislas qui est un chercheur à l’Université de Ouagadougou, Germain BITOU (moi-même) et Basile BALOUM qui était un journaliste à SIDWAYA mais qui a arrêté de travailler pour des raisons de santé. Mais il reste tout de même un sociétaire du journal.
Art. : Votre journal est aussi connu pour ces informations croustillantes et pertinentes. D’où les tirez-vous ?
G.B.N : Nous tirons les informations là où elles se trouvent. Pour que les gens vous donnent des informations, il faut que vous leur inspiriez confiance. Si vous avez établi votre réputation sur du sérieux, il n’y a pas de raison que les gens vous refusent des informations même sensibles. C’est en partie grâce à cela que nous avons réussi à vaincre les réticences et à bénéficier de la confiance d’un certain nombre de personnes à filer certaines informations parce qu’elles pensent que ces informations seraient bien traitées et que ça pourrait avoir un changement qualitatif au niveau du pays.
Art. : Il y a deux responsables de médias dans la formation du gouvernement; pensez-vous qu’ils peuvent encore éclairer objectivement l’opinion publique sur certains actes posés par le gouvernement?
G.B.N : Comment voulez-vous qu’ils critiquent encore l’action gouvernementale dès lors qu’ils ne sont plus journalistes ? Dès lors qu’on entre dans un gouvernement, on est plus journaliste. Le confrère DJANDJINOU l’a dit clairement qu’il a rendu sa démission en tant qu’administrateur de Burkina Infos. C’était l’une des conditions pour qu’il puisse exercer, j’allais dire loyalement le travail pour lequel il a été appelé. Il en est de même pour le ministre des affaires étrangères. Je crois qu’à l’étape actuelle, ils ne sont plus des journalistes. Je pense que c’est au regard de leurs compétences qu’ils ont été admis au sein du gouvernement. Et vous conviendrez avec moi que l’un ou l’autre sont des références en matière journalistique et comme on le dit souvent, le journalisme mène à tout.
Art. : Avec leur entrée au sein du gouvernement, on n’a comme l’impression que les masses populaires ou les téléspectateurs ont perdu des éclaireurs. Quel est votre avis ?
G.B.N : Oui, tout à fait ! Ce sont des personnalités, des icônes au niveau de notre profession. Effectivement sur ce plan, nous perdons un peu des personnalités de la profession mais l’intérêt général du pays est plus important que nos intérêts professionnels qui peuvent apparaître égoïstes. Du reste, ceux qui y sont devraient travailler à suivre leur exemple parce qu’ils ont travaillé pour être ce qu’ils sont. Ils ne sont partis au gouvernement à partir du néant. Chaque journaliste doit se donner un challenge qui est toujours de faire mieux.
Art. : L’incivisme de nos jours est devenu comme une norme au niveau de la jeunesse surtout scolaire. Les moindres décisions sont contestées, on sèche les cours à toutes les occasions. Pensez-vous que nous sommes en présence d’une crise de l’éducation?
G.B.N : Écoutez ! il faut d’abord souligner ce qu’il y a comme positif dans cette jeunesse; ces actes témoignent aussi d’un certain éveil de conscience au niveau de la jeunesse; ça n’a pas toujours été comme ça de par le passé; elle n’avait pas eu un sens aussi aigu. Nous constatons qu’il y a eu une évolution et une certaine maturation. Il faut donc saluer cela. C’est ce qui nous a permis de mener des luttes victorieuses dont l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et la résistance à la tentative de putsch du 16 septembre 2015. Toutes ces victoires étaient grâce au dynamisme de la jeunesse.
Mais il faut aussi déplorer les dérives qu’on constate au niveau de cette jeunesse. C’est un problème également qui se pose actuellement. C’est vrai que si on se contente seulement de constater, si on n’y prend garde, ça risque de prendre des proportions et de menacer la stabilité de la société. Les solutions, c’est la prise en main de l’éducation civique et familiale; autant de choses qui amènent à observer un certain nombre de valeurs sociales, civiques. En fait cette question d’incivisme est due à l’opportunisme de l’Etat qui, à un moment donné a effectivement encouragé ce genre de comportement pour autant que ça puisse l’arranger. Maintenant que ces comportements ne vont pas toujours dans le sens souhaité, on crie Oh là ! Mais on sait d’où ça vient ! Je crois qu’il appartient aux politiques de bien cerner la question et de trouver les remèdes nécessaires parce que l’incivisme n’est pas une fatalité.
Art. : Vous êtes l’un des rares parents à comprendre que la musique est un métier; la preuve, vous avez accepté qu’une de vos filles fasse la musique. Peut-on en parler ?
G.B.N : D’abord, elle ne m’a jamais dit qu’elle voulait faire la musique. J’ai constaté qu’elle le faisait et cela ne me gênait pas du tout dès lors qu’elle ne sacrifiait pas ses études à la musique. Elle a eu un parcours correct et a obtenu son master à l’ISIG tout en faisant la musique. En fait, elle fait la musique en dilettante. Pour ce qui me concerne, dans l’éducation que je donne à mes enfants, je n’entrave pas ni n’étouffe leurs aspirations. Je prends l’exemple de ma première fille; elle est une danseuse. Je voulais qu’elle fasse du droit. Au lieu de ça, elle a fait une école d’art et a ouvert une école de danse en France.Mon rôle de père, c’est d’être attentif et voir dans quelle mesure aider chacun dans l’atteinte de ses objectifs.
Art. : Si Sandrine est aujourd’hui une grande icone dans le paysage culturel burkinabé, c’est en partie lié aussi à votre attachement à la culture. A votre avis, quelle est son importance pour un pays ?
G.B.N : C’est un élément fondamental, c’est ce qui nous nourrit, qui tisse nos valeurs, qui nous construit en tant qu’homme. C’est ce qui nous positionne à aimer un pays et à s’engager à construire ce pays. Sans la culture, il est difficile d’atteindre tous ces niveaux. Maintenant la culture se manifeste sous différents aspects.La musique, les œuvres de l’esprit.
Art. : Un mot sur la culture pour terminer cet entretien
G.B.N : Il faut d’abord que nos hommes politiques comprennent l’importance de la culture parce qu’avant, ils avaient une vision extrêmement limitée de la culture. Effectivement, quand on parlait à certains de culture, ils ne voient que les cauris, les statuettes ou autres objets traditionnels. Or la culture est infiniment plus vaste que ça. En réalité, l’homme ne vit que par sa culture. Je vous prends un exemple. Même les odeurs ont une dimension culturelle pour une certaine catégorie de gens ou d’être vivants; ils ne peuvent vivre n’importe où. Je crois que les choses ont beaucoup évolué parce qu’aujourd’hui, nous avons un ministère de la culture plein, qui ne s’occupe uniquement que de la culture.
Patrick COULIDIATY

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