Zoug-na-zaguemda : artiste musicien traditionnel

Zoug-na-zaguemda : artiste musicien traditionnel

Il est des gens dans la société qui, grâce à leur talent et de leur don sont devenus populaires au pays des hommes intègres. Issaka OUEDRAOGO, à l’état civil, ZOUG-NA ZAGUEMDA est de ceux –là. Il est originaire de la province du Ganzourgou. Il est artiste chansonnier traditionnel hors pair dont la simple évocation du nom fait drainer de nombreuses foules à ses différents spectacles. Né en 1963, il débute sa carrière en 1978. L’oralité était le socle de sa musique. En 1982, il intègre la troupe du LARLE NAABA. Le 22 février 1991, il crée sa propre troupe : “PENGD WENDE. Depuis 2008, la troupe est gérée par la structure de production : GREEN STONE” qui assure son management et sa production.
Notre invité, qui est aujourd’hui président de l’Association des chansonniers traditionnels de Ouagadougou, a obtenu plusieurs distinctions honorifiques dont une décoration, plusieurs fois primé au KUNDE d’or du meilleur artiste traditionnel.
A ce jour, il compte près de 67 albums. Marié à 4 femmes, ZOUG-NA-ZAGUEMDA est père de 17 enfants et grand père de 3 petits fils.
Voici donc Issaka OUEDRAOGO ou Zoug-na-zaguemda, une figure emblématique de la musique traditionnelle burkinabé que nous vous invitons à découvrir :


Z-N-Z: J’ai débuté en 1978 dans mon village; je suis arrivé en novembre 1982 à Ouagadougou dans la Cour du Larlé Naba et c’est en Août 87, que j’ai fait mon premier album ” Tiin Moore Yélé”. Ce fut ma première chanson à succès. ” Teen Moore Yélé ” signifie ” ne pas oublier nos traditions” . J’ai enregistré une deuxième chanson baptisée “Tiin Bayiri Yélé “. Je l’ai chantée lors d’un concert à Abidjan pour interpeller les burkinabé à investir dans leur patrie. Enfin, “Wibdga-Wibdga” fut la 3ème chanson. “WIDGA” signifie critiques en langue mooré parce qu’il eut un moment où j’étais sujet à de nombreuses critiques, les unes me qualifiant de bandit (coupeur-de route) ou de quelqu’un dont les biens étaient mal acquis. C’est pourquoi j’ai composé ce titre pour dire aux gens de ne pas me critiquer pour rien parce que je ne suis pas un bandit.

Art: Pourquoi les artistes traditionnels ne sont pas présents lors des conférences de presse?

Z-N-Z: Les artistes traditionnels sont absents des conférences de presse parce qu’on ne nous invite pas, les gens n’aiment pas la musique traditionnelle. Quand je dis que les gens n’aiment pas notre musique, je veux parler surtout du gouvernement. Le gouvernement n’aime pas notre musique. Tout le problème est là ! Quand il y a une cérémonie à Ouaga2000 par exemple, les artistes musiciens traditionnels ne sont pas invités. Seuls les artistes musiciens modernes sont conviés; nous ne savons pas pourquoi. Comme je le dis, le problème c’est notre gouvernement. La preuve, la maison du peuple refuse du monde à tous les concerts que j’organise là-bas. C’est un signe que le public au moins aime la musique traditionnelle.
Et pourtant, il y a eu des cérémonies officielles où Nana Bibata a été sollicitée !
C’est très rare !

Art: Pourquoi les artistes musiciens traditionnels ne font pas de dédicace lorsqu’ils ont un nouvel album ?

Z-N-Z: C’est juste ! Nous ne faisons pas de dédicaces mais nous imprimons des cartes d’invitation que nous déposons dans 3 ou 4 quotidiens de la place. Lorsque j’ai une tournée par exemple, j’ai toujours informé la presse.

Art: Est-il vrai que toutes vos chansons sont basées sur les louanges des Chefs traditionnels ?
Z-N-Z:

Oui, je chante notre culture. A travers mes chansons, j’essaie de montrer la valeur de notre culture en m’appuyant sur des faits historiques.

Art: L’artiste c’est quelqu’un qui chante pour éduquer, pour moraliser la vie publique, pour imprimer la bonne conduite dans la gestion des affaires d’une société. En tant qu’artiste traditionnel, est-ce qu’il vous arrive également d’apporter des contributions dans la conduite des affaires publiques ?
Z-N-Z: Les artistes musiciens traditionnels ne peuvent pas critiquer un chef coutumier comme le font certains artistes. Par contre, nous pouvons les conseiller et là aussi, ce n’est pas à travers les médias, ni pendant des concerts. Vous savez, un chef coutumier est une grande personnalité et c’est par personne interposée qu’on peut lui donner des conseils.

Art: Combien de cassettes avez vous enregistrées à cette date ?
Z-N-Z: J’ai fait 74 cassettes depuis 1987; ça fait 25 ans.

Art: Comment se fait la promotion de vos albums ?
Z-N-Z: Dès la sortie de l’album, la promotion est déjà assurée parce que le public nous connaît bien et connaît aussi nos talents. Une fois qu’ils écoutent notre nouvelle cassette, ils s’empressent de payer.

Art: Quelle est en moyenne les spectacles que vous faites dans l’année?
Z-N-Z: Oh ! C’est beaucoup ! Il arrive que je fasse 20 à 23 concerts dans un mois. Dans chaque province, j’ai un chargé d’organisation de spectacles. Mais en hivernage, c’est la période morte; mes activités sont réduites. Pour revenir à votre question, le nombre des spectacles que je fais dans le mois varie entre 22 à 23 voire même 27.

Art: Le métier d’artiste musicien, comme tout autre connaît des difficultés. A votre niveau, quels genres de difficultés rencontrez-vous ?

Z-N-Z: Maintenant, ça vaut mieux qu’avant. Dans le temps, ce n’était pas facile pour organiser un concert dan un village. Il y a des chefs qui ne voulaient pas nous recevoir parce qu’ils craignaient que les gens ne profitent du spectacle pour voler le bétail ou faire la cour aux femmes des autres. Présentement, les gens ont compris ! Mais le vrai problème, c’est de pouvoir s’occuper des membres de sa troupe et surtout penser aussi à sa progéniture qu’on a laissée à la maison depuis des semaines.
Art: Un artiste de votre rang qui fait 20 à 23 spectacles le mois et qui peut faire 10 jours hors de la famille, est-ce que vous n’avez pas de problèmes avec Madame ?

Z-N-Z: Avant, il y en avait ! Maintenant ça va !

Art: Madame votre épouse n’a pas peur que quelqu’une ne vous retire pendant les tournées de spectacles ?

Z-N-Z: Rires. Non ! Je suis marié déjà à 4 femmes; je ne crois plus que je vais en ajouter.

Art: Venons maintenant aux relations entre artistes traditionnels; est-ce que tout marche bien entre vous ?

Z-N-Z: Je suis le Président de l’Association des chanteurs traditionnels de Ouagadougou (ACTO) avec KISTO KOIMBRE comme Vice Président et Adama “Gaucher” le trésorier. Comme vous le constatez, nous entretenons de bonnes relations entre nous.

Art: Pourtant, nous avons appris que vous vous jouez des coups bas notamment avec du WAK pour empêcher l’autre de bien prester. Vrai ou faux ?
Z-N-Z: Non c’est faux ! Ce n’est pas comme ça. Quand vous êtes engagé dans un domaine, il faut bien vous organisé pour réussir. C’est vrai que le WAK est là, mais je ne chante pas avec du WAK. Je ne l’utilise pas non plus pour empêcher quelqu’un de prester. Mais le WAK existe parce qu’on est né le trouver !

Art: Quel est votre wak alors ?
Z-N-Z: Mon wak, c’est ma bouche ! Prenons l’exemple d’un chef coutumier qui est riche, avare et pingre. Si j’ai une telle personne devant moi, je vais chanter ses louanges à telle enseigne qu’il ne pourra pas résister. Bon gré ou mal gré, quel que soit son avarisme ou sa pingritude, il sera obligé de mettre la main dans la poche et en souriant s’il vous plaît !

Art: Quels sont les difficultés que vous rencontrez lors de vos enregistrements?
Z-N-Z:

Nous n’avons pas trop de difficultés d’enregistrement comme les artistes musiciens modernes. Souvent, nous avons juste besoin de deux heures d’enregistrement et généralement, je ne dépasse pas 6 titres par album.

Art: Qu’est-ce qui manque crucialement aux artistes musiciens traditionnels pour qu’ils puissent mieux travailler ?
Z-N-Z: Les artistes traditionnels n’ont pas de matériel de sonorisation; ça coûte cher. Ensuite, nous n’avons pas de moyens de transport pour faire nos tournées.

Art: Autre chose ?
Z-N-Z:
Non ! Juste vous remercier d’être venu vers nous et avec votre soutien, nous pouvons nous réjouir que notre musique va traverser les frontières. Toutefois, j’aimerais dire aux artistes d’éviter de critiquer les gens car tout le monde fait des erreurs. Enfin, je les invite à plus de solidarité. Cette solidarité, c’est maintenant, c’est-à-dire pendant que nous vivons qu’il faut la prouver à l’autre.

Août 2012

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