L’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature a un nouveau Directeur Général et ce, depuis avril 2018. Awalou OUEDRAOGO qui est désormais aux commandes de la direction de l’une des plus anciennes écoles de formation au Burkina nourrit de grandes ambitions pour cette école. L’homme qui ne se réclame d’aucune formation politique entend faire de ce foyer du savoir, un centre d’excellence et d’innovation en administration publique. Des réformes substantielles, la mise à plat de toute l’offre de formation et l’introduction d’un nouveau module sur la théorie générale de l’Etat sont entre autres, les défis à relever par le nouveau DG. C’est donc un DG débordant d’énergie et de belles initiatives que nous avons rencontré pour échanger sur la vie de l’école et ses offres en termes de qualité de formation. Voici le portrait de l’homme de Toronto, Enseignant à l’Université YORK.
Dr Awalou OUEDRAOGO (A.O) : Je suis titulaire d’un doctorat en Droit international obtenu en suisse en 2010. Je viens du Canada précisément de Torronto où j’enseigne à l’Université York depuis 2010. J’enseigne également à l’Université de Ouagadougou à la faculté de droit.
Cela fait un mois et quinze jours que j’ai pris la Direction de l’ENAM avec de grandes ambitions pour faire des réformes substantielles. Ma vision est de faire de l’ENAM non seulement un centre d’excellence mais aussi d’innovation en Administration publique au Burkina et dans toute l’Afrique. Pour cela, il faut faire des réformes substantielles. En matière d’offre de formation, nous allons remettre à plat toute l’offre de formation. Chaque programme va être clairement défini avec des objectifs bien établis, des principes structurants clairement mis en place et des descriptifs détaillés des cours. Il y aura un tronc commun pour tout le monde et à cet effet, nous allons introduire un nouveau cours sur la théorie générale de l’Etat pour tout le monde parce que l’Etat, c’est tous les burkinabè et non le Président et son équipe. Les gouvernements passent mais l’Etat burkinabé reste. Le Burkina Faso en tant que nom de pays est une entité abstraite. C’est cette abstraction qui imprime la vie nationale et elle ne peut s’activer qu’à travers une administration performante. Pour qu’il y ait donc changement, il faut revoir non seulement la formation en matière d’administration mais aussi la manière dont nous regardons notre administration en tant que commis de l’Etat au sens classique du mot.
Enfin, il faut une réorganisation en profondeur en matière de la gouvernance parce qu’il y a trop de Directeurs par ci et par là et finalement, nous dispersons les maigres ressources que nous avons; nous allons ramener ces ressources à l’essentiel.
ArtistesBF (ArtBF) : Habituellement, les DG de l’ENAM étaient nommés sur la base de leur couleur politique. Qu’en est-il à votre niveau?
A.O : Attendez-là ! Quand vous me regardez, ai-je la tête d’un politicien ? Je suis de Torronto, j’enseigne dans un milieu Anglo-saxon. Je n’ai aucune couleur politique et je pense que c’est la raison pour laquelle on m’a approché. Ne faisons pas d’amalgame ! Pendant longtemps, on a cru que c’est avec la politique politicienne que l’on transforme les choses. La politique n’est qu’un moyen pour mettre en œuvre un projet donné. Et le combat politique s’arrête lorsque l’enjeu devient national. Prenons l’exemple du Canada ou des Etats Unis, quand il s’agit de la sécurité nationale Américaine, il n’y a plus de républicains ni de démocrates; ils sont ensemble pour un même combat. L’éducation ne peut pas être un enjeu de combat politique, absolument pas !. Tous ceux qui ont tenté de le faire, ont plombé leur nation. Il faut donc de la qualité pour former les futurs fils et filles de ce pays.
ArtBF : Il y a des routes qui sont toujours barrées, quelques infrastructures qui appartenaient à l’ENAM avaient été confisquées pendant les régimes d’exception. Comment comptez-vous remettre les choses sur les rails ?
A.O : Comme je le disais tantôt, je suis un Anglo-saxon, un pragmatique. Il y a des choses qu’on fera ici et maintenant ! Comme je ne suis pas un politicien, je suis venu pour tirer l’ENAM vers un idéal que j’ai conçu avec le Ministre. Je crois fondamentalement, qu’il y a un certain nombre de réponses que je vais avoir parce qu’il y a des décisions que je vais prendre. Elles ne plairont pas certes à certains mais je vais quand-même les prendre dans l’intérêt de l’ENAM. Il faut restructurer l’ENAM de sorte que le visiteur qui arrive dans cette école, constate tout de suite que c’est un centre d’excellence.
ArtBF : Qu’est-ce qui vous a choqué de première vue quand vous avez pris la direction de l’ENAM?
A.O : C’est l’état de la bibliothèque ! J’ai pris la décision à l’heure où je vous que tout rentrera en ordre ici et maintenant. Si vous voyez l’état dans lequel se trouve la bibliothèque, vous vous rendez compte du genre de formation donnée à l’ENAM, les étudiants sont mal formés. Très longtemps, les responsables ont fermé les yeux sur la qualité de la formation; c’est une formation au rabais. Jamais un pays ne peut se développer sans une formation qualitative parce la principale ressource d’un Etat, c’est sa ressource humaine. Une ressource humaine bien formée et de qualité est la clé du développement. Les blancs ne sont pas plus intelligents que nous du point de vue de l’intuition et de la finesse de l’intelligence. Mais s’ils progressent c’est parce qu’il y a une structure qui les pousse vers l’avant.
ArtBF : Nous avons constaté la présence d’une pompe à essence dans votre cour.
A.O : Je suis aussi nouveau et surpris comme vous. Il y a un certain nombre de choses que je ne comprends pas encore. J’essaie de comprendre mais les explications qu’on me donne ne me convainquent guère. Je ne sais pas pourquoi. J’ai posé la question à l’ancien DG par intérim qui m’a dit que c’était lié à une pratique ancienne et que lui-même n’a pas eu la réponse.
Propos recueillis par Patrick COULIDIATY
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