Arts plastiques : Mariam SOUGUE peint en plein marché

Arts plastiques : Mariam SOUGUE peint en plein marché

En octobre 2018, près d’une quarantaine de fillettes ont toutes été passées à la lamelle des exciseuses d’un quartier de Ouagadougou au Burkina Faso. La salle besogne s’est précisément passée au marché du Quartier “TOUDWEOGO” où grâce à la collaboration de la population ce réseau a pu être démantelé. Choquée par cette barbarie, une femme, une artiste-peintre décide d’apporter sa contribution à la lutte contre l’excision à travers sa le pinceau et la toile.

Article rendu possible grâce au soutien financier de l’Agence Deunelin

Mariam SOUGUE porte la cause de la femme en plein marché

Elle veut porter loin la voix de toutes ces femmes qui souffrent silencieusement des violences, la voix de toutes ces “voix sans voix” qui subissent et qui ploient sous la douleur de la lamelle de exciseuses. Mariam SOUGUE pour ainsi la nommer, est une employée de la fonction publique burkinabè. Artiste-plasticienne engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Mariam SOUGUE a reçu le soutien financier du BBDA à travers son projet de peinture sur l’excision. C’est dans le cadre justement de ce projet que nous l’avons retrouvée en compagnie de nombreux enfants au marché “”TOUDWEOGO” en pleine séance de peinture. Le plus curieux, c’est cette mutation de vocation de métiers. En effet, du secrétariat informatique à la peinture, on ne peut se passer de certaines questions. Comment a -t-elle réussi cette mutation, voici les réponses de l’artiste-peintre :

Mariam SOUGUE (M.S) : C’est vrai que je suis secrétaire au service informatique au Ministère de  la fonction publique mais je suis aussi artiste peintre à mes heures perdues.

Je ne savais pas dessiner mais j’ai pourtant aimé les cahiers de présentation que les élèves faisaient à l’école primaire. Des années après, je côtoyais quelques artistes peintres dans les salons de d’exposition-vernissage. C’est en 2013 que j’ai touché pour la première fois un crayon et depuis lors, je ne m’en suis plus jamais séparé.

Pensez-vous avoir fait un mauvais choix en optant pour le secrétariat ?

Non ! Etre secrétaire c’est aussi un travail que j’aime bien. J’aime bien accueillir et être au service des autres.

Comment avez-vous appris la technique du dessin

J’ai appris auprès de Zakaria OUEDRAOGO dit Osa, son nom d’artiste ; puis, c’est parti tout seul. En autodidacte, j’ai continué à me former à travers la lecture et les critiques des uns et des autres. Avec mon boulot à la fonction publique, ce n’était pas été facile au début de concilier les deux.

A ce propos justement, comment conciliez-vous aujourd’hui votre carrière de fonctionnaire, la peinture et le foyer ?

Tout est question de planning. Je m’emploie surtout les week-ends. J’ai surtout la chance de tomber sur de bons supérieurs hiérarchiques. Ils me comprennent et m’encouragent beaucoup.  Ma famille et mes amis me soutiennent également.

Quels sont vos moments clés ou d’inspirations qui vous permettent de bien travailler ?

Il n’y a pas de moment d’inspiration pour moi. Je le fais quand cela me prend. Au marché, en circulation, à tout moment et en tout lieu. Je peux être en train de rouler et je vois quelque chose qui me tique. Du coup, je m’arrête, j’écris ou je fais une image. Donc l’inspiration c’est dans la nature, c’est partout.

Quels sont particulièrement les thèmes sur lesquels vous travaillez ?

Je peins beaucoup sur la femme parce que la femme est marginalisée dans notre société. Du coup, je suis comme une voie pour toutes ces femmes marginalisées afin de dénoncer certains maux ou violences faites aux femmes. Je raconte les difficultés qu’elles rencontrent dans la société. Il s’agit entre autres des femmes battues, les femmes atteintes des grossesses précoces et indésirées, l’excision etc. La femme dans notre société n’arrive pas à s’exprimer ; donc, les artistes deviennent du coup les porte-voix de ces “sans voix”. Nous disons haut ce qu’elles murmurent tout bas.

Il faut dire que c’est grâce au soutien financier du Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA) que l’activité actuelle se déroule dans ce marché. J’ai proposé le projet et ils ont accepté m’appuyer partiellement.

Mariam SOUGUE “C’est en 2013 que j’ai touché pour la première fois un crayon “

Pourquoi avoir choisi spécifiquement ce marché pour peintre vos tableaux ?

J’ai choisi ce marché qui se nomme “TOULWEOGO”, parce que l’année dernière en Octobre 2018, il y a eu une quarantaine de filles qui ont été excisées ; et c’était dans ce même marché. Grâce à la collaboration de la population, les exciseuses ont été démasquées. Les enfants ont été amené dans une clinique de la place pour être prise en charge. C’était en octobre 2018 comme je vous le dis,  il y a juste 7 mois. Donc, je me suis dit que cette population a besoin davantage d’être sensibilisée. C’est vrai que des efforts ont été faits. Mais à travers cette activité, c’est ma manière aussi d’ajouter ma petite contribution dans la lutte contre l’excision qui n’honore pas du tout la femme. L’excision nous détruit et pour moi, c’est l’occasion de rappeler à toutes les mères et aux détenteurs de certaines coutumes et autres traditions que l’excision n’est pas une bonne chose. Mais comme je le dis, c’est en discutant avec elle et à travers ma peinture.

De quoi parle votre dernier tableau ?

Un tableau qui parle de l’excision

C’est un tableau qui parle de l’excision. Sur le tableau, a le dos tourné à la femme parce qu’ils sont en situation de divorce à cause de l’excision. En fait l’époux n’est pas heureux.

La femme quant à elle, ne retrouvera plus son bonheur d’avant l’excision. Elle passe d’homme en homme qui, malheureusement vont la trouver sexuellement fade et l’abandonneront.

Où est ce que vous exposé vos produits ?

C’est d’abord chez moi à domicile. Je fais également des expositions collectives au musée, à l’Institut Français de Bobo, à l’Institut Goethe.

Quel est votre public cible ?

Pour le moment, j’ai des clients partout que ce soit à Ouaga ou ailleurs. Je fais aussi des portraits en peinture et en crayonnage ; les burkinabé les adorent bien. Mais pour ce qui est d’abstraction, ce n’est pas évident mais on fait avec.

Connaissez-vous d’autres artistes peintres ?

Bien sûr je connais surtout des aînés. Je connais Christophe Sawadogo qui est un grand peintre et j’aime beaucoup ce qu’il fait. Il y a également Abga, un grand peintre aussi. Je connais Sophie Ustein, elle est française.

Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour progresser ?

Vous voyez par exemple que je travaille aujourd’hui avec les enfants. Quand j’ai l’occasion, je le fais. Mais ce n’est pas facile de réunir le matériel tels les crayons, la peinture, les aquarelles etc. Ce n’est pas toujours évident parce que je le fais à mes propres frais ; donc, ça limite les activités avec mes enfants.

Avez-vous envie d’avoir des partenaires à l’extérieur ?

Bien sûr ! Cela serait vraiment la bienvenue parce que l’art au Burkina a besoin d’être soutenu parce que les artistes ne vivent pas de leur métier. On se nourrit d’espoir. On fait seulement passer des messages. Il n’y a pas grand-chose à en tirer et c’est ce qui ne rend pas la vie de l’artiste facile alors qu’il faut vivre de ce qu’on fait.

Vous avez une idée du prochain thème ?

Non ! Mais quel que soit ce que je vais peintre c’est sur la femme.

Votre dernier mot ?

C’est d’abord inviter le public et tous ceux qui croient à notre combat à venir découvrir mon exposition vernissage le 7 juin 2019 afin qu’ensemble nous puissions dire “NON” à l’excision. Ce sera Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à mon travail et pour avoir fait de ce déplacement. Vous êtes la première personne à m’avoir rencontré pour parler de mon travail.  Vous m’avez honorée de votre présence. Je remercie également le BBDA pour son appui mais aussi au chef et les femmes du marché qui m’ont acceptée au milieu de leur étalage. Merci aux enfants qui m’entourent et qui me donnent beaucoup de joie.

Propos recueillis par Fatim BARRO et Patrick COULIDIATY

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