Barou OUEDRAOGO, Comédien

Barou OUEDRAOGO, Comédien

Barou OUEDRAOGO (B.O.) : Je m’appelle Omar BARROU. .Je viens d’obtenir en juin 2010 le diplôme d’Ingénieur de Cinéma et de l’Audiovisuel à l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM). Mais avant, j’ai eu aussi la chance de bénéficier de plusieurs formations au niveau de l’Agence d’Information du Burkina, aujourd’hui devenue Centre de Formation Professionnel de l’Information. J’ai été également à Nyme (France) où j’ai obtenu un diplôme en marketing et Gestion commerciale des chefs de télévision. Je suis comédien de cinéma après avoir joué pendant longtemps dans le théâtre. Quelles sont vos attributions à la télévision nationale ? Je réalise le journal télévisé, les émissions phares telle l’émission « ça se passe à la télé ». C’est une des émissions la plus longue de la RTB (1h 45) et je couvre également les éléments qui se déroulent à l’Assemblée Nationale (les sessions par exemple).

Artistebf (Art) : Comment vous sentez-vous dans ce métier de comédien ?

Être un comédien, est un choix, une vocation avant tout. Il faut l’aimer et il faut s’y trouver. Ce métier ne va bien que lorsqu’on l’aime. Maintenant, si vous venez dans ce métier parce que vous voulez en faire un « Gagne-Pain », là c’est un autre problème ! Vous risquez de repartir rapidement pour un certain nombre de raisons : 1 – On paie mal parce que les gens n’attendent souvent pas d’avoir l’argent pour commencer à tourner. Il arrive quelque fois que certains comédiens soient payés 1000 ou 5000 frs /jour (rires) soit environ l’équivalent de 2 à 8 Euros par jour ; au maximum 10 000 frs, l’équivalent de 15 Euro/jour. Mais, tout n’est pas rouge parce qu’il y a souvent des plateaux très intéressants où on arrive à s’en sortir avec une enveloppe consistante. Quand j’ai joué dans le film “LA COLERE DES DIEUX” d’Idrissa OUEDRAOGO, je me suis tiré par exemple avec 3 000 000 soit environ 4 580 Euros.

Art : Sauf erreur, il nous est revenu que vous avez commencé votre carrière par le métier d’instituteur avant de vous lancer dans le cinéma; mais cela n’est pas ressorti dans votre présentation. Est-ce exact ?

B.O. : C’est vrai ! Effectivement, j’ai commencé par l’enseignement. A notre époque, pour être instituteur, il fallait avoir la “tête” comme on le dit (rires). A titre d’exemple, quand je faisais le Certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP) dans la circonscription de Banfora, il n’y avait eu seulement que 5 admissibles. Aujourd’hui, on est dans les déperditions terribles. Après un examen, ce n’est plus une surprise pour personne d’apprendre que tous les candidats sont déclarés admis ; ça ne va pas ! Quelque chose ne vas pas… !. J’ai sincèrement aimé ce métier. Seulement, j’ai été découragé au cours de ma carrière. Je ne pouvais pas comprendre quelque chose : un métier que j’ai aimé de tout cœur et pour lequel je me suis tant battu, je ne pouvais pas comprendre que dans le cadre de ce métier, je puisse échouer aux examens professionnels; une fois, deux fois, trois fois …J’avoue que c’est terrible ! Je vous rappelle que j’ai fait deux ans de Cours Normaux à Koudou avec tableau d’honneur chaque année. Vous voyez ! Alors ne pouvant pas supporter de telles situations, j’ai abandonné le métier pour me lancer dans le théâtre. Pour vous dire la vérité, lorsque je fis mes premiers pas dans le cinéma, avec le film “JE REVIENS DE BOKIN”, je me suis réellement retrouvé et je me suis dit au fond de moi-même : « c’est là qu’il me fallait ».

Art : En tant que comédien averti, pourquoi le cinéma burkinabé perd de jour en jour son pouvoir ? Il remplit rarement les salles, a peine si certains films font sourire le public !

Je crois que cela est dû à deux choses : D’abord, il y a le volet sérieux du réalisateur. Est-ce que nos réalisateurs mettent du sérieux dans leur travail ? Qu’il s’agisse du contenu ou de la forme, il faut d’abord s’intéresser au sérieux avec lequel est traité le film. Le réalisateur a-t-il pris suffisamment du temps pour faire son film ? Les comédiens ne sont-ils pas des gens bon marché ? Si le réalisateur répond à l’affirmative à toutes ses questions, alors son film peut être compétitif. Il faut réellement motiver le comédien afin qu’il incarne effectivement le rôle qui lui est assigné. En termes plus clairs, la qualité d’un bon film dépend des moyens. Ensuite, il y a le profil même des réalisateurs. Combien de gens font le cinéma sans même être cinéastes. Ils sont combien ? Ce n’est pas moi qui vais vous les citer. Eh bien tous ces gens-là, quel que soit leur volonté, ne pourront pas tourner des films compétitifs. Ce n’est pas possible ! Leurs films ne se limiteront que dans les salles du Burkina. Si chacun va toujours prendre une caméra du fait qu’il a un thème et commencer à filmer parce qu’il possède aussi une caméra; tant qu’il en sera ainsi, notre cinéma va en souffrir.

Art : Vous avez dit plus haut qu’il y a des comédiens burkinabés qui acceptent jouer même à 1000 frs/jour. Pourquoi donc vous vous plaignez des cachets ?

B.O. : Les cachets de 1000 francs/jour  dont je vous parle a une explication. Lorsqu’un ami vient me voir et qu’il me dise de l’aider à faire son film parce qu’il n’a  pas de financement. Que dois-je faire ? Je vous retourne la question, Qu’est-ce que je dois faire ? Votre ami tient à faire son film malgré sa pauvreté. Peux-tu lui refuser ça ? Or ce n’est pas évident qu’il vous ait dit la vérité. Il vous a certainement caché  quelque chose.

Art : Et que fait  le syndicat des comédiens dans tout ça ?

B.O. : Non!  le syndicat n’est pas au top ! Le syndicat lui-même n’est pas crédible. Prenez l’exemple des fonctionnaires. Quand quelque chose ne va pas, le syndicat bouge. Mais ce n’est pas le cas dans le monde du cinéma. Tout ce qui se passe actuellement est le résultat de l’incivisme du syndicat. Toute cette pagaille existe parce que le syndicat ne s’implique  pas assez pour améliorer la situation du comédien. Le syndicat a –t-il une seule fois convoqué les comédiens pour débattre de nos problèmes ?. A-t-il fait des propositions  aux réalisateurs afin que les comédiens soient désormais mieux traités ? Je crois que c’est un véritable désordre qui perdure et qui continue. C’est tout !

Art : Vous rejoignez donc  les propos de ce comédien qui disait que  Raso du haut de son poste de PCA ne pouvait pas faire l’affaire des comédiens ?

B.O. : Est-ce que c’est  Raso ? Ça m’étonne qu’on ne parle que de Raso (rires). Et Gustave SORGHO, il est quoi pour les comédiens? C’est lui qui est devant ! Et Raymond TIENDRE, il est quoi ? Voilà des gens qui doivent prendre les choses en main pour trouver des solutions. Raso n’est pour rien !

Art : Quel est aujourd’hui  l’Etat des lieux de notre cinéma.

B.O. : Les réalisateurs burkinabés ont du talent. Quand ils ont les moyens, ils font des films exceptionnels. Mais faute de moyens, ils sont obligés de descendre bas et payer mal les comédiens qui vont à leur tour faire de mauvaises prestations. C’est dommage que nos opérateurs économiques n’aient pas compris que dépenser dans le cinéma, c’est aussi faire la promotion de leurs entreprises.  L’appel est donc lancé aux opérateurs économiques.

Art : Comment donc les convaincre à venir au cinéma ?

B.O. : Répondre à cette question serait difficile car ces gaillards-là, dès que vous leur parlez de cinéma, ils vous demandent ce qu’ils vont gagner là-dedans. Ils raisonnent en plus-value. Ils veulent, quand ils  vous donnent 5 millions, que vous leur remettiez en retour 8 millions. C’est une bassesse d’esprit. Sinon, rien ne vaut la publicité !

Art : Pensez-vous que le cinéma depuis les indépendances a joué un rôle catalyseur dans l’éveil des consciences de nos populations ?

B.O. : La contribution de  l’Etat au secteur du cinéma est très insuffisante ! L’Etat donne de maigres sous pour combien de réalisateurs ? Je ne sais pas trop ! Quand on vous donne des miettes et qu’on vous dise d’aller vous débrouiller ailleurs mais si ailleurs ne marche pas ? Je trouve que ce n’est vraiment pas un appui. Par contre, l’Etat peut consacrer avec 1 à 2 Milliards par an dans la culture; et je l’ai bien souligné dans mon mémoire de fin cycle à l’ENAM.

2 –  Les populations ont toujours aimé le cinéma burkinabé. Réellement !.  Vous convenez avec moi que depuis un temps, c’était la Côte d’Ivoire qui nous déversait ses films et tout le monde y était branché. Nous sommes en train de tomber petit à petit. Il faut craindre même que des pays ne nous guettent pour nous retirer le FESPACO. Je confirme que la vie du cinéma dépend de l’Etat; je répète trois fois que la vie du cinéma ne dépend que de l’Etat.

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