Le comédien burkinabè et ses moyens d’existence par les chiffres

Le comédien burkinabè et ses moyens d’existence par les chiffres

Au cinéma, les réalisateurs burkinabè « n’ont jamais de budget et sont toujours pauvres ». Ces propos sont de Pascal NOYELLE qui plaide dans cet entretien pour la cause du comédien burkinabè. La situation du comédien burkinabè et ses moyens d’existence sont très précaires. Pascal NOYELLE fait la démonstration, chiffres à l’appui :


Il y a au Burkina une vie culturelle importante. Beaucoup de troupes et de créations théâtrales ou cinématographiques. Donc, beaucoup de comédiens qui travaillent. Mais les cachets sont souvent faibles. Au cinéma, les réalisateurs « n’ont jamais de budget et sont toujours pauvres ». C’est le discours qu’on entend presque à chaque négociation de contrat. Si cela est parfois vrai, il semble quand même que souvent comédiens et techniciens soient sous payés au profit des producteurs et réalisateurs qui vendent leur produit aux télévisions et aux cinémas.  Mais il y a au cinéma une grande opacité sur les questions d’argent.

Au théâtre c’est pire !. Aucune troupe, aucun spectacle ne peut survivre sans partenariat avec l’étranger ou sans être soutenu par des structures gouvernementales ou privées. De ce fait, les spectacles au Burkina sont souvent ce que j’appelle « des éphémères ». Même s’il s’agit d’excellents spectacles. Ils sont joués une dizaine de fois (dans le meilleur des cas) puis meurent de leur belle mort.

Calcul simple : supposons une création à 5 comédiens, un mois et demi de répétitions et une scénographie basique à 500.000 fcs CFA.  Donnons 100.000 fcs par mois au comédien (une misère pour « mettre l’essence » !) Cela fait déjà 5 X 150.000 + 500.000 ; soit 1.250.000. Ensuite il faut payer le scénographe, le créateur lumière, le metteur en scène. Même avec des petits cachets on arrive, disons à  1.750.000. Si on ajoute la communication on arrive, disons à 2.000.000 et je suis là dans une fourchette vraiment minimale, où les membres de la création ne font que « survivre péniblement ». Pour rentabiliser cela il faudrait 2000 spectateurs à 1000   fcs. Mais les espaces de diffusion (trop peu nombreux en outre à Ouaga) prennent en général 50% de la recette. Il faut donc 4000 spectateurs pour simplement équilibrer les coûts de création ! Et là-dedans, on ne compte aucun frais de fonctionnement de la compagnie, aucun administratif, aucun technicien durant le spectacle. Je crois que cela montre bien les problèmes que rencontre le théâtre. Pour créer, il faut donc beaucoup compter sur la passion, les relations humaines, et la plupart des créations sont des paris déficitaires sur l’avenir.

Je le répète, les seuls qui s’en tirent sont d’une part ceux qui ont des partenariats avec des scènes en Europe ou qui, grâce à leur « réseau » (et sans doute aussi à leur qualité) « tournent » pendant longtemps dans différents pays, différents festivals et d’autre part, ceux qui sont subventionnés parce qu’ils font du théâtre de sensibilisation ou du théâtre forum.

2 : Le comédien burkinabé peut-il vivre de son métier ?

Une évidence d’abord : le comédien n’est pas un fonctionnaire. Ses revenus sont aléatoires, et d’autre part, il faut aussi tenir compte d’une donnée non quantifiable : son talent. Certains acteurs burkinabé ont des rôles importants au cinéma, partent travailler avec des théâtres en Europe pendant un certain temps, sont aussi metteurs en scène ou auteurs reconnus… ceux-là vivent en général très correctement dans le contexte burkinabé. Beaucoup mieux qu’un instituteur ou un infirmier. D’autres évidemment, plus jeunes ou moins talentueux, moins chanceux aussi peut-être, tirent souvent le diable par la queue. (Mais encore faut-il voir le diable pour pouvoir tirer sa queue. NDLR)

Une fois le niveau de revenu est très fluctuant et très aléatoire. On peut toucher 500.000 fcs un mois puis plus rien pendant plusieurs mois.

Je voudrais faire ici un a parte sur cette structure unique en Afrique de l’ouest (et peut-être dans toute l’Afrique) qu’est le CITO. Il permet à des comédiens de travailler et de vivre correctement pendant les deux ou trois mois de la création. Les cachets ne sont pas extraordinaires mais ils sont quand même respectueux de l’artiste et sont égalitaires. Il n’y a pas de grand ou de petit rôle.

Evidemment, tout le monde n’est pas pris aux castings et ce sont souvent les meilleurs et les plus chevronnés qui sont pris. Mais pas toujours.

Le CITO permet aussi à de jeunes comédiens de se faire connaître. Merci donc au CITO d’exister. Mais cela n’est possible que parce que le CITO a des subventions de partenaires européens qui lui  permettent des créations dont le budget est sans commune mesure avec celui que j’évoquais au début de ma réponse.

Propos recueillis par Fatim BARRO

 

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