Pascal NOYELLE, Comédien

Pascal NOYELLE, Comédien

Jamais un français n’avait aussi bien parlé de l’Afrique, ce continent que bien de jeunes africains abandonnent pour soi-disant trouver une vie meilleure en Europe. Cet homme dont il est question dans notre entretien réside  en Afrique depuis belles lurettes. La première fois qu’il foulait le pied  en Afrique, c’était en 1976. Pascal Noyelle, c’est son nom, la soixante d’années bien sonnées. Professeur d’abord de Français, il a travaillé sur de nombreux projets de coopération éducative, occupé des fonctions de conseiller de directeurs régionaux de l’enseignement. En retraite depuis maintenant quelques années, il a élu définitivement domicile à Ouagadougou au Burkina Faso. Son activité favorite, c’est le théâtre, un métier qui fait de lui un comédien bien connu des professionnels des planches aussi bien au Burkina qu’à l’extérieur. Sans le théâtre, que serait-il devenu ? Cette question, Pascal NOYELLE  se la pose toujours ?

Pascal NOYELLE (P.N ) : J’ai 14 ans dont 40 ans en Afrique. La première fois que je foulais le sol africain, c’était en 1976. Je suis arrivé en Tunisie pour des raisons de service et depuis lors, j’y suis resté. C’est vrai que je suis retourné un moment en France pour 4 ans, mais pour le reste du temps, j’ai toujours servi en Afrique dans différents pays.

J’étais d’abord professeur de Français avant de travailler sur des projets de coopération éducative. A ce titre, j’ai occupé des fonctions de conseiller de directeur régionaux de l’enseignement. J’ai toujours travaillé dans des zones assez éloignées des capitales

Dans une  certaine mesure, c’était une forme d’isolement culturelle mais qui m’offrait en même temps la possibilité de découvrir la réalité de l’Afrique, sa culture, ses traditions et même ses paysages. J’ai vécu dans le désert, dans la forêt équatoriale, etc. C’est l’avantage que j’avais beaucoup plus sur la plupart des expatriés.

ArtBF : Comment  cette conversion a-t-elle été faite  entre le métier d’enseignant que vous étiez  et le comédien que vous êtes aujourd’hui ?

P.N : Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai commencé très jeune. Le théâtre était une passion et j’avais bien envie de le faire. Après mes études, je me suis de retour au Burkina en qualité de professeur au lycée Saint Exupéry. C’est là que j’ai fait la connaissance d’Arnaud Guitou que beaucoup connaissent bien pour ses textes (“Wati Nooma”, “Biiga). Il avait aussi créée une comédie musicale à partir  du texte le Petit Prince dans laquelle il m’avait sollicité de poser ma voix afin d’en faire un CD. Et comme l’appétit vient en mangeant, il m’a de nouveau demandé si on pouvait en fait une pièce de théâtre. C’est ainsi que Luca Fouzi, (l’actuel directeur du CEVRAV à Gambidi) qui venait également de déposer ses valises au Burkina a accepté faire la mise en scène de ce spectacle.  Après cette belle collaboration à succès, Iledevert Méda m’a  proposé de jouer dans un long métrage de Boubacar Diallo. Voilà comment les choses se sont enchaînées et depuis, je ne me suis plus arrêté.

Pascal NOYELLE (encadré) : dans la pièce “Les bouts de Bois de Dieu” à la 43è création majeure du CITO

ArtBF : Citez-nous quelques spectacles dans lesquelles, vous avez joués

P.N : J’ai fait 4 créations dans lesquelles j’ai moi-même souvent participée.

–  “Mémoire”, un texte de Paul Zoungrana montée par par Alain Hema.

– “Je soussigné Cardiaque” de Sony Lambountansi qui a été montée par Loumbindine

“Cette vieille magie noire”,  un texte Koffi Kouawoulé montée par Mahamadou Tindano

“les bouts de bois de Dieu” d’Ousmane Sembène monté par Luca Fouzi et pour lequel j’ajoute en toute petite modestie que j’ai été partie prenante dans l’écriture du texte de ce spectacle.

-Itinéraire, un texte de Pascal Noyelle de la compagnie

“Silence” de Noël Douniwata MINOUNGOU

 – “200 ans mini minimum”

ArtBF : Le théâtre, un métier ou un plaisir pour meubler le temps ?

P.N : La comédie est un métier qui s’apprend, il y a des écoles, il y a des techniques etc. En même temps, c’est forcément pour moi une passion. Si ce n’est pas le cas, on ne peut pas s’y donner véritablement, encore moins, être un bon comédien. J’ai la chance pour ce qui me concerne de n’avoir besoin que de cela pour vivre. Matériellement, je peux vivre sans faire du théâtre; mais seulement, je ne sais pas si je serais encore vivant. Honnêtement, je me l’interroge. J’ai eu des maladies assez graves et je pense que cette intégration dans le monde du théâtre ici  me permet de rester vivant, dynamique ouvert vers l’avenir. Si j’étais chez moi tout seul, enfermé dans ma maison à attendre que les jours passent je serais sans doute déjà mort mademoiselle.

Pascal NOYELLE, dans la pièce “Itinéraire” jouée au CITO le 19 avril 2017. Comédien©artistesbf.org

ArtBF : Au Burkina, on a un énorme problème de production, de distribution et de diffusion.

P.N : Il n’y a pas de théâtre national au Burkina. Peut-être que l’état pourrait accompagner les créations culturelles notamment le théâtre. Ils le font dans d’autres domaines que je trouve personnellement moins intéressant. On voit distribuer beaucoup d’argent pour des séries télévisées souvent médiocres, qui n’en valent pas la peine; excusez-moi ! Je les trouve souvent très médiocres. Je comprends parfaitement qu’un pays comme le Burkina Faso qui n’est pas un pays riche, qu’il ait des priorités comme la santé et l’éducation. C’est normal ! Mais en même temps, on peut davantage aider la culture ne serait-ce qu’à travers la communication ….  Cela ne coûte rien ! Pourquoi, le ministère n’aurait-il pas une cellule qui permettrait de répertorier un certain nombre de spectacles, de prendre des contacts avec des festivals, des théâtres en France, de proposer des spectacles ?. En réalité, au Burkina on a un énorme problème de production, de distribution et de diffusion. La production, c’est évident, le manque d’argent quelque fois pour faire une scénographie qui tienne la route, payer des comédiens afin  qu’ils puissent manger et vivre de leur métier.  C’est certainement le CITO qu’il faut remercier. En effet, le CITO est la seule structure de toute l’Afrique de l’Ouest à pouvoir créer un spectacle et le proposer pendant un mois et donc à développer une appétence pour le théâtre auprès des spectateurs; en cela, le CITO doit être vraiment remercié. Autrement, la plupart des spectacles qui ne sont pas des créations du CITO se jouent à Gambidi, un espace culturel qui accompagne la Compagnie “Le Ruminant” (dont je suis membre). Là aussi je remercie Claude GUINGANE qui, depuis le début nous accompagne, nous permet de répéter dans les salles etc. Nous jouons un peu au CDC, au CITO pour 2 ou 3 jours et à “l’Espace Grace culture” qui cherche à se développer. Puis voilà …! Quand on aura fait 7-8 à 10 représentations, le spectacle meurt et c’est fini.

Notamment pour les spectacles d’auteurs, j’aurais peut-être un avis moins dur sur le théâtre de sensibilisation qui, lui est d’avantage aidé par le ministère de la culture, tourne un peu à l’intérieur du pays. C’est un théâtre assez spécifique qui vit un peu différemment.

Mais nous en tant que “Compagnie le Ruminant”,  on ne veut pas s’inscrire dans ce théâtre de sensibilisation. Nous avons une dimension un peu particulière parmi toutes les compagnies au Burkina;  nous sommes très dans l’inter-culturel. Dans  La Compagnie “Le Ruminant”,  nous sommes constitués de français et de burkinabè. C’est donc comme si c’était une famille, avec des liens de parentés à plaisanterie et tous nos spectacles écrits par Noël Minoungou tiennent comptent de cette diversité culturelle. Il y a toujours le côté occidental et le côté africain sans les caricaturer. Et je trouve cela vraiment intéressant.

Propos recueillis par Fatim BARRO

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