Bernadette DAO/SANOU: Ecrivaine

Bernadette DAO/SANOU: Ecrivaine

Cette semaine, nous recevons pour vous la mère de Danielle. Elle est écrivaine et poète. Elle vient de décrocher (il y a moins d’un mois) un poste dans une ONG norvégienne basée au Mali où elle officie comme secrétaire permanent du Secrétariat sous Régional de la stratégie de scolarisation accélérée. Mais avant, elle a occupé de nombreuses responsabilités au sein de l’Administration burkinabé. En effet, elle a été Directrice Générale de l’Institut Pédagogique du Burkina (IPB) au Ministère de l’Enseignement de Base, Directrice de la Coopération Internationale, ministre de l’Intégration Régionale, Directrice de l’Office National du Tourisme burkinabé… Et ce n’est pas fini ! Son histoire continue avec les deux évènements exceptionnels ci-après: Notre poète a marqué la surprise générale en trompant la vigilance du collège des infirmières et autres sages femmes d’état. Ce qui s’est passé ce jour-là, c’est que parents, amis et collègues de service se sont mobilisés pour lui apporter du soutien : savons, couches, serviettes, layettes et biberons etc… Bernadette DAO, vous l’avez sans doute deviner, venait d’être mère d’un bébé du nom de DANIELLE. En Afrique, on dit que c’est un bébé de retraite.
La seconde surprise, Bernadette DAO après le poste de Directrice Générale du Tourisme, alors que le commun de ses proches l’attendait cette fois à un poste d’ambassadeur, a de nouveau été nommée Directrice Générale de l’Institut Pédagogique du Burkina (dans ses anciens locaux). C’était comme un rappel au bercail. Seule la dénomination de la direction a changé en Centre de Recherches des Innovations Éducatives et de la Formation (La DG/CRIEF). Les attributions et les missions sont restées les mêmes. Cette situation, bien que rare dans les administrations publiques méritait d’être comprise. C’est pourquoi, nous n’avons pas hésité de poser la question à la mère de Danielle.

Artistebf (Art) : Madame DAO, vous êtes aujourd’hui Directrice Générale du Centre de Recherches des Innovations Educatives et de la Formation (DG-CRIEF). C’est la dénomination qui change sinon, vous êtes une familière de la maison puisque vous y étiez comme Directrice Générale de l’Institut Pédagogique du Burkina (IPB). Qu’est-ce que ça vous fait de revenir dans des anciens locaux pour reprendre pratiquement les mêmes attributions ?
Bernadette DAO (B.D.) : Je voudrai tout d’abord vous dire merci d’être venu à moi et encourager l’initiative qui est de faire quelque chose de si important pour les artistes et les créateurs. En tout cas, je soutiens personnellement l’initiative et tout ce qui est de mon pauvre pouvoir, je le ferai pour que les choses continuent. En ce qui concerne ma carrière, on a coutume de dire en Dioula que “Tant qu’on est vivant, on est tributaire de tout sort”. Ça veut dire qu’il faut s’attendre à passer par toutes sortes de situations, par toutes sortes de sorts parce que c’est la vie qui est ainsi faite. Effectivement, j’ai eu le très grand privilège d’occuper des postes au sein d’un gouvernement, des postes de responsabilité de Directrice Générale. Aujourd’hui, je suis à nouveau dans ce genre de poste au ministère de l’éducation Nationale et de l’Alphabétisation. En fait, c’est tout naturel pour moi de revenir dans un ancien ministère. Bien au contraire, j’estime que c’est même un cadeau de la nature parce que je suis revenue à quelque chose où je crois que je connaissais un tout petit peu. En effet, je n’ai pas eu trop de difficultés à travailler à l’Institut Pédagogique. C’est là que j’ai fait mes premiers pas dans l’administration où j’ai appris pendant 10 à 20 ans le travail d’élaboration des manuels scolaires, le programme d’enseignement et les contacts avec le monde de l’enseignement primaire. Je dis bien primaire parce que je suis un prof de l’enseignement secondaire mais je n’ai travaillé que pour le cours primaire. Je n’ai donc pas mal ressenti; bien au contraire j’ai estimé qu’on avait fait appel à moi parce qu’on a supposé que j’avais assez l’expérience dans le domaine. Je me suis sentie encouragée et je me suis sentie fière de reprendre ce poste qui est à ce jour doublé de l’éducation non formelle parce que l’Institut national de l’éducation du Burkina ne s’occupait que du formel.


Art: Cette nomination a beaucoup étonné plus d’un ; on voyait Bernadette DAO, après ce poste ministériel, promu à un poste d’ambassadeur ou de l’enseignement de Base par exemple. De ce qu’on entendait, vous étiez, de part votre travail très estimée du Président Blaise COMPAORE. Quelqu’un vous a –t-il jeté une peau de banane ?

B.D. : (Rires). Je ne crois pas ! Je ne crois pas que tous mes postes sont liés à un engagement politique. Non ! je ne crois pas ! (rires). J’étais d’abord directrice de l’Institut Pédagogique du Burkina quand on m’a proposé de devenir Directrice Générale de la Coopération Internationale. C’est comme ça que je suis rentrée aux affaires étrangères avant d’aller au ministère de l’Intégration Régionale. Après ce ministère, j’ai servi pendant 5 ans comme Directrice de l’Office National du Tourisme burkinabé. Comme je le disais tantôt, tant qu’on est fonctionnaire, on est appelé à servir à l’un ou l’autre poste.

Art: Peut-être que la politque ne vous intéressait pas aussi; c’est fort possible !
B.D. : (Rires) J’avais coutume de dire que je n’en faisais pas mais il vaut mieux ne pas en parler comme ça. Disons que j’avais estimé que c’était quelque chose d’archi-prioritaire. C’est vrai qu’il ne faut pas rester indifférent et qu’il faut comprendre que le jeu politique est extrêmement important pour une nation. Mais un jeu politique franc où les gens sont engagés pour l’intérêt du pays et non pas pour des intérêts personnels et ça, ce n’est pas toujours facile de faire la part des choses; c’est clair ! Le poste d’ambassadeur, ça vient ou ça ne vient pas, je ne regrette absolument pas!.

Art: Parlez nous des attributions de votre Direction Générale

BD: La DG/CRIEF, c’est le Centre de Recherches des Innovations Educatives et de la Formation. A ce titre, elle s’occupe de toutes les recherches appliquées en matière de production de documents didactiques, de programme d’éducation et de formation. Les innovations, nous n’en créons pas, mais nous assurons un peu le suivi de ce que les promoteurs privés font sur le terrain. Dans l’éducation non formelle surtout, les initiatives sont vraiment nombreuses et très fortes tel le programme “TIN-TUA” basé à l’EST du Burkina du Professeur Benoît OUOBA. C’est extraodinaire ce qu’il a fait dans cette région en matière d’alphabétisation, de développement tout court. En matière de formation, ce sont des formations liées à la mise en œuvre des programmes d’éducation et du matériel didactique. Nous avons aussi une radio scolaire et une revue pédagogique vieille de 40 ans. Pour la radio scolaire, c’est un petit studio d’enregistrment qui nous permet de réaliser des émissions et que nous achéminons à la radio nationale pour diffusion. Nous recevions quotidiennement de nombreuses lettres d’enseignants qui nous remercient pour nos émisssions grâce auxquelles, ils ont réussi à leurs concours professionnels.

Art: Aujourd’hui, quel est l’état des lieux du niveau des populations en matière d’alphabétisation ?
B.D. : Nous sommes alphabétisés à environ 30-35% pour ce qui est de l’alphabétisation des adultes. Pour les enfants, le taux de scolairisation est au delà de 70% à ce jour.

Art: Avec toutes ses activités, vous trouvez encore du temps et de l’énergie pour l’écriture. Il paraît que les écrivains volent du temps à leur conjoint ou à leur conjointe pour écrire. C’est votre cas ?
BD: (Rires). J’ai toujours dit qu’en réalité le temps n’existe pas; je me console en disant cela parce le temps est une succession d’activités qu’on réalise forcément au détriment d’autrui. C’est un choix. A cet instant “T” je peux décider que je vais faire ceci et pas autre chose; c’est ça le temps pour moi. Alors quand j’éprouve le besoin d’écrire un petit texte à un moment donné, je prends le temps de le faire en ce moment. Par contre, ce que j’essaie de faire, c’est de ne jamais cesser d’écrire; écrire en toute circontance …

Art: A ce jour, combien d’œuvres avez-vous écrites et publiées ?
B.D. : Il s’agit de 2 recueils dont :

La femme du Diable

La dernière épouse

La crêche du petit Mohamed adapté à l’écran par Mr l’Abbé Bernard YAMEOGO

Un fascicule de poésie qui comprend 3 recueils
Enfin, il y a “FABIENNE & Compagnie” que j’ai écrit pour mes enfants. Ma première fille s’appelle Fabienne et les autres … Dans Fabienne et Compagnie, on peut lire le passage suivant: ” Si tu laisses les autres façonner de toi une image à leur gout, ne t’étonne pas que ta propre ombre t’effraie …”

Art: Vous écrivez à un moment où les jeunes ont perdu le goût de la lecture au profit de l’internet et aux jeux vidéo. Ça fait peur n’est-ce pas ?

B.D. : Pas du tout ! J’estime que de toutes les façons, comme on le dit : ” aussi loin que s’envole l’oiseau, il revient toujours sur terre “. Mes textes, ont plusieurs fois été adaptés à des récitals et à des chansons. Je crois que les gens les lisent. Aujourd’hui par exemple, aucun de ces livres n’existent encore sur la place du marché.

Art: Vous livres sont-ils au programme à l’Université ?
B.D. : Mon recueil de poème “LA DERNIERE EPOUSE” est au programme des étudiants de 3ème année de Lettres Modernes. Je viens de rééditer quelques livres depuis Abidjan pour une quarantaine d’élèves qui me les ont sollicités.
Parlez-nous des activités de l’association “CLUB SENI” que vous dirigez.
Nous sommes à nos débuts. SENI, sont des chants de louanges de hauts faits; c’est en langue bobo. Cependant, nous avons eu le privilège d’être invité à Lomé en République Togolaise pour un festival de poésie. C’était un spectacle autour de la poésie; c’était un long poème chanté, une sorte de contes poétiques. Le spectacle que nous avons présenté a été fort apprécié et un de nos membres a même reçu un prix. Aujourd’hui, nous sommes en train de nous préparer pour rééditer le spectacle. Les conditions d’adhésion sont de 10 000 frs afin de se créer des ressources propres. Ces 10 000 frs sont payables à tempéramment c’est-à-dire de manière étalée dans l’année et la cotisation est de 1 000 frs par mois

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Art: Après le boulot et l’écriture, qu’est-ce qui accroche encore parmi les disciplines suivantes : Cinéma, Mode, Théâtre et Musique ?; choisissez une discipline.

B.D. : Je choisis la Mode ! Mais si je devais les classer, je dirai :
La Mode parce que j’ai un atelier de couture
Le théâtre
Le cinéma
La musique

Art: Alors nous allons donc parler de la mode qui vous passionne. Quelles sont vos préférences en matière de tenues vestimentaires ?
B.D. : J’aime porter les tenues en coton et les pagnes tissés avec lesquels d’ailleurs on peut faire beaucoup de choses.

Art. : Les stylistes disent que nos dirigeants ne les encouragent pas assez dans la production nationale parce qu’ils portent rarement nos produits locaux. Quel est votre avis ?

B.D. : Là, ils ont raison ! Peut-être, qu’il faudra créer des salons spécifiques de la Mode afin de permettre au public de voir les richesses de nos créations. Ce qui pénalise fortement nos stylistes, c’est la friperie. Vous vous rendez compte que ce sont des balots entiers qui rentrent dans notre pays ? C’est la fripperie de très haute gamme et souvent au moindre cout. Les jeunes filles ne s’habillent pas tellement en pagnes mais dans la fripperie. Si nos couturiers réalisaient toutes ces tenues qu’on trouve dans les fripperies, ce serait parfait. J’avoue que la mode est un domaine typiquement culturel. Si aujourd’hui, le ministère de la culture créait des sections d’émulation de tous les domaines de la mode, vous verrez que ça va bouger.

Art: Madame, nous savons que vous ne vous passez pas de la musique. Même si au bureau ou à la maison vous ne l’écoutez pas, vous voyez au moins les clips jouer à la télévision. Quelle appréciation faites-vous de la musique burkinabé lorsque vous êtes devant votre téléviseur et que vous voyez ces artistes chanter, danser ou se trémousser ?
B.D. : Je trouve qu’il y a beaucoup de créations; seulement, les artistes ne murissent pas assez leurs projets et finalement, les médias ne les aident pas aussi. Dès qu’un artiste fait sortir un “SON” comme ils le disent dans leur jargon, les médias le diffusent tellement au point que le type croit qu’il est au top. Il ne fait plus d’effort puisque son clip passe à la télé et c’est le signe que le produit est bon. Je crois que c’est une erreur d’appréciation. On passe le clip à la télé pour vous encourager, pour vous permettre comme dans un mirroir de vous regarder et pouvoir vous corriger et vous améliorer. Quand les artistes passent déjà à la télé, il est difficile pour eux de produire d’autres clips et c’est vraiment domage. Je crois mais je peux absolument me tromper.
J’aurai souhaité qu’il y ait un petit tri avant de balancer le clip d’un artiste à la télé. S’il y a un nouveau clip, qu’on ne balance pas tout de suite mais qu’on prenne le temps de voir si le produit est de qualité.

Art: Le métier de comédien ou de styliste pour les femmes est très contraignant à cause des pressions masculines. Pour avoir un défilé ou pour participer à un défilé de mode, la femme subit souvent des pires humiliations de la part des opérateurs culturels. En tant que femme, comment réagissez-vous à de telles situations ?

B.D. : C’est comme dans tous les domaines. Mais je dis que tant qu’il y aura de la compromission, il faut se garder d’y aller ! Il ne faut pas se compromettre! Un talent doit être reconnu. Si votre talent n’est pas reconnu et qu’on doit négocier aussi bassement, ça ne vaut pas la peine. Je suis sûre que les vrais talents se révèléront toujours même si on se rabat sur des non talentieux, mais ça n’ira pas loin. Vous voyez, il y a des compromissions qu’il ne faut accepter. Si les exigences et le besoin doivent te rendre indigne, c’est grave ! Mais qu’est-ce que vous croyez ? S’il n’y a pas à manger, il n’y a pas à manger. Le jour où il y aura à manger, eh bien vous mangerez ! J’estime qu’on a toujours la possibilité de dire “NON” à certaines situations et à un moment donné. Il faut que nous apprenions à dire “NON” parce qu’on n’ est pas obligé. Mais quand on dit “NON”, il faut savoir que ça un prix et un coût.

Art: Oui ! Mais quand on accepte aussi, il y a un prix et un coût

B.D. : Et tu vas regrettez ! (rires). Tu es libre et il faut être sûr quand tu rentreras de pouvoir te regarder dans le miroir après. C’est le plus dur, c’est quand on est maintenant seul. Je ne m’érige absolument pas en donneur de leçon, Dieu m’en garde !

Art: Où peut-on avoir vos œuvres et à quel prix ?
B.D. : Généralement c’est à la Librairie “JEUNESSE D’AFRIQUE”. Les recueils de nouvelles c’est 2 500 à 3000 frs.

Art: Avons-nous oublié d’évoquer d’autres aspects ?

B.D. : Il faut encourager les gens à écrire de façon sincère et à s’efforcer de bien écrire. Il n’y a pas d’urgence en la matière. Quand vous avez la chance qu’un éditeur vous reprenne ou vous fait des remarques par rapport à votre écrit, on ne doit pas se sentir frustré pour ça. C’est pourquoi je disais que les artistes-musiciens n’ont pas cette chance parce que j’ai l’impression que leur impressariot, leur manager ou leur producteur n’a pas le courage de leur dire la vérité. Quand ce n’est pas bon, il faut leur avouer que ce n’est pas bon !. Ils laissent passer la médiocrité et ça devient au finish du bruit qui ne les aide pas.
Aussi, je reste convaincue que le vrai talent, va se savoir quel que soit le temps que cela prendra. On ne bâtit pas sur du faux et la compromission, c’est du faux.
Enfin, je voudrai dire que l’université devrait pouvoir jouer un rôle plus important dans la promotion artistique et culturelle.

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