Michel OUEDRAOGO, DG du FESPACO

Michel OUEDRAOGO, DG du FESPACO

Je suis Michel Ouédraogo journaliste et historien de formation . En tant qu’homme de média, j’ai occupé des fonctions administratives. Ainsi, J’ai servi dans une représentation diplomatique à Abidjan, l’une des plus importantes du Burkina comme deuxième conseiller. De retour au pays, j’ai servi à la DEP (Direction des Etudes et de la Planification) au ministère de la communication, au premier ministère comme Attaché de communication, Directeur général des Editions SIDWAYA et depuis 2008, je suis à la tête du FESPACO .


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Artistebf (Art) : Vous êtes à votre première année d’organisation du FESPACO, quels enseignements tirez-vous déjà de cette manifestation ?
Michel OUEDRAOGO (M.O) : Nous avons travaillé afin que cette édition soit parfaite tout en sachant que des difficultés n’allaient pas manquer. Mais c’est d’abord une responsabilité puis un objectif que nous avons voulus atteindre en donnant le meilleur de nous. Nous croyons qu’après l’organisation de cette importante édition, il y a des motifs de satisfaction et d’insatisfaction. Nous allons surtout nous appesantir sur les motifs d’insatisfaction car nous avons le devoir de faire en sorte que tout festivalier qui arrive au Burkina soit reçu dans de meilleures conditions et qu’il puisse participer aisément à la biennale. C’est dans ce sens que nous avons travaillé et nous pouvons dire que le FESPACO 2009 a été une édition d’innovation. Mais de manière générale, quand on parle d’innovation, on voit déjà les changements, ce qui est vrai, et les gens sont très souvent réfractaires au changement. La deuxième partie de cette réalité de l’innovation, nous a amené à constater que certaines de nos innovations qui vont dans le sens de la consolidation du FESPACO n’ont pas été bien comprises. C’est tout à fait normal. Il y a des festivaliers qui pensent qu’ils n’ont que des droits au FESPACO. C’est vrai, ils ont des droits, mais ils sont dotés de plus de privilèges que de droits. Il faut comprendre que le FESPACO revêt aujourd’hui un caractère populaire et en tant que tel, il n’est pas du tout facile et aisé de répondre à toutes les attentes. Nous avons tiré tous les enseignements nécessaires et je rappelle que le succès du FESPACO et de sa bonne organisation dépendent de tous les acteurs. Nous ferons en sorte que les prochaines éditions connaissent plus de succès en minimisant les lacunes rencontrées à cette 21è édition.


(Art) : Beaucoup ont parlé des badges qu’ils ont reçus en retard selon vous à quoi cela est dû ?

(M.O) : Comme vous l’imaginez, la conception des badges est une opération où il y a un long travail en amont. Il y a une date précise pour les accréditations. Mais nous avons conclu qu’il fallait à cette édition acceptée qu’au-delà des dates arrêtées, qu’on puisse donner des badges à certains festivaliers surtout quand ces derniers viennent de loin. Pour ce qui est de cette édition, nous avons commencé à réaliser les badges dès le mois de novembre. En Janvier, nous avons déjà comptabilisé plus de 4 000 Badges. Comme vous le remarquerez, nous avons travailler à anticiper afin que les badges soeint disponibles le plus tôt possible. A mon avis, le problème fondamental, n’est pas la question des badges car pour cette édition, nous avons réalisé en tout 12 996 badges. Ce qui me semble très énorme. Mais la question fondamentale qui pose problème, c’est le “Passe” parce que les gens pensent que le FESPACO doit leur permettre d’avoir accès à tous les espaces. Mais quand on analyse les capacités, il est facile de comprendre que la volonté n’est pas à remettre en cause. Concrètement quand vous prenez les salles de ciné, nous n’avons même pas 12 000 places. Alors si tous les “badgés “doivent avoir accès aux salles de ciné, il y aura forcement problème. Il faut donc trouver une mesure qui permet aux professionnels et surtout au public de pouvoir aller dans les salles. Mas s’il faut envisager de donner des badges à tout le monde pour qu’il remplisse les salles, en ce moment, vous conviendrez que le FESPACO deviendrais un festival fermé, un festival à huis clôt ou si vous voulez un festival qui va se dérouler entre les réalisateurs, les comédiens, et les invités. Mais Là, nous faisons un festival ouvert, un festival populaire pour que le public puisse participer et en tirer satisfaction. Et pour que le public puisse participer, il faut que le public ait des places. Alors quelle est la meilleure manière pour permettre au public de participer ? C’est pourquoi nous avons créé un “surbadge”que nous avons appelé le “PASS FESPACO” qui permet aux professionnels d’avoir accès aux salles et au public de pouvoir participer à la fête en payant des tiquets. Avec ce “PASS FESPACO ” que nous avons instaurer pour cette 21è édition, nous croyons que les gens finirons pas s’y habituer pour les prochaines éditions et ce ne sera plus un problème.


(Art) : Un monument a été érigé en l’honneur de Idrissa OUEDRAOGO. Comment s’est opéré le choix en la personne d’Idrissa OUEDRAOGO plutôt qu’un Dani ou un plus ancien ?

MO : Nous croyons que ce n’est pas la meilleure compréhension et c’est même une mauvaise interprétation parce que nous n’avons pas fait de monument pour Idrissa OUEDRAOGO. Nous croyons que cette question s’est posée bien avant l’ouverture officielle de la 21è édition. Effectivement, pour rendre hommage a tous les cinéastes africains, il faut pouvoir dégager des critères. Nous avons décidé de réaliser la colonne des Etalons d’or de Yennega. Et comme il sera difficile de rendre hommage à tous les cinéastes africains, le premier critère était de décider à quel type de cinéaste nous allons rendre hommage. Nous avons choisi de rendre hommage à tous ceux qui ont déjà remporté l’étalon d’or Yennega exception faite à Ousmane Sembène en tant que doyen des anciens. A cette 21è édition, nous avons décidé de rendre hommage à ce doyen du cinéma africain qui a beaucoup fait pour le FESPACO, qui a beaucoup travaillé et combattu pour la pérennisation du FESPACO. Alors ce que vous appelez le monument, c’est ce que nous avons baptisé “la colonne de l’Etalon d’or de Yennega” . Et pour la 21è édition, nous avons pu implanté la sculpture de Sembène et celle de Idrissa .. Pourquoi Idrissa au lieu de Gaston KABORE ou une autre personne ?
C’est la question que beaucoup se sont posé. Certaines ont même dit qu’ils vont écrire pour dénoncer. Mais avant de poser de tels actes, il faut d’abord savoir de quoi il s’agit ! Ce n’est pas un choix arbitraire ! Le FESPACO étant au Burkina, Ouagadougou étant la capitale du cinéma africain, si nous avons pu implanter la sculpture de Sembène, il était aussi bon afin que le peuple burkinabé nous comprenne que nous implantions la sculpture d’un national pour cette édition. En effet, il y a deux burkinabé qui ont remporté l’Etalon d’or de Yennega .Nous avons dans l’ordre Idrissa et Gaston KABORE. En restant dans l’ordre, Idrissa l’a remporté en 1991, il fallait donc commencer par Idrissa OUEDRAGO. Gaston l’a remporté en 1997. Vous voyez ! Ce n’est donc pas une question de choisir ou de préférer Idrissa à Gaston. Ici ce n’est pas la question d’âge ou d’ancienneté qui a prévalu mais plutôt de celui qui remporté le premier l’Etalon d’Or de Yennega. Nous sommes en train de travailler afin que dans les prochaines éditions, qu’on puisse progressivement compléter la liste des cinéastes africains (au nombre de 19) qui ont eu l’Etalon d’Or de Yennega. Comme vous le constatez, c’est un choix qui a été fait et qui peut être sujet à des critiques. D’ailleurs, aucun choix ne peut être à l’abri des critiques. L’essentiel pour nous est que les gens comprennent que nous avons travaillé avec lucidité. Nous pensons que c’était la seule base objective qui s’offrait à nous. Et c’est à base de celle-ci que nous avons travaillé.


(Art) : Lors de la tenue d’Ecran noir au Cameroun, un de nos compatriote aurait été officiellement invité à ce festival . Mais jusqu’à ce que le festival ferme les rideaux, Sid-Naaba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a même pas reçu son billet d’avion, à fortiori recevoir les prix lés à la projection de ses fims. Qu’en est-il ?

(M.O) : Vous savez “Ecran Noir” est un festival souverain et en tant que tel, “Ecran Noir” est responsable de sa sélection. Il nous sera très difficile de nous prononcer sur cette question, car chaque festival est jaloux de sa souveraineté.


(Art) : Le cinéma coûte cher et les réalisateurs africains n’ont pas les moyens à tel enseigne que certains se rabattent même sur le numérique. Les opérateurs économiques auraient pu donner un coup d’accélérateurs au cinéma burkinabé. Malheureusement, ces derniers, à entendre les réalisateur, ne sont très motivés. A votre avis, comment peut-on amener le secteur économique burkinabé à invertir dans le cinéma ?

(M.O) : Les Opérateurs économiques burkinabé ne s’intéressent qu’aux activités qui leur rapportent beaucoup d’argent or, le cinéma peut rapporter beaucoup. Il faut qu’il y ait une action politique. C’est vrai qu’il y a déjà cette volonté politique mais il faut qu’elle soit fortement exprimée afin d’inviter les opérateurs économiques à soutenir le cinéma burkinabé. C’est comme le sport burkinabé. Dans beaucoup de pays les opérateurs économiques soutiennent le sport et la culture. Mais les opérateurs économiques sont, de manière générale réticents. Je vous raconte juste une petite histoire. Lorsque le fespaco a voulu organiser FESPACO BOBO, nous avons rencontré un grand opérateur économique de Bobo. Mais à travers les échanges que nous avons eus, nous avons compris que la question du cinéma et de la culture n’était pas une préoccupation fondamentale pour cet opérateur économique. Mais ceci n’est qu’une première approche et je rois qu’il faut persévérer et poursuivre les échanges plutôt que de tomber dans le découragement. Pour ce qui est du sport par exemple, je me rappelle qu’en 1998, pendant l’organisation de la CAN, grâce à la forte mobilisation des opérateurs économiques, notre équipe nationale a pu se hisser à un niveau mémorable. Mais il faut aussi que les réalisateurs s’approchent de plus en plus des opérateurs économiques. Il leur revient aussi de mener l’action de sensibilisation.

(Art) : Fort donc de l’expérience que vous avez déjà, quels sont vos grands projets pour les prochaines éditions ?
(M.O) : Après 40 ans d’existence, il est nécessaire aujourd’hui de voir quel statut donner au FESPACO. L’une des difficultés du FESPACO pour assurer une parfaite organisation est lié au statut actuel du FESPACO. Nous avons pour mission de faire en sorte que le FESPACO devienne un instrument, accessible, autonome, qu’il devienne un instrument à même de mobiliser des recettes à même de donner plus visibilité sur le terrain. Comme nous le disons, le FESPACO est considéré aujourd’hui comme une institution politique militante. Il faut que cette expression se dégage. Mais il est en même temps aussi une institution culturelle notamment en matière de cinéma qui est, il faut le rappeler, une synthèse des autres arts comme la musique, la dance ou le théâtre etc. Il faut donc que nous travaillions à faire en sorte que le FESPACO se distingue comme une institution politique importante, mais en même temps comme une institution culturelle, particulière pour le cinéma et pour la culture africaine. Notre mission est de voir effectivement comment, avec le soutien des plus hautes autorités, nous pouvons rebâtir le FESPACO sur des bases statutaires nouvelles pour aller de l’avant.

(Art) : Dernier mot
(M.O) : Nous voulons simplement dire aux réalisateurs et comédiens africains que le FESPACO est d’abord leur outil. Nous sommes là en tant que simples ouvriers à leur service. La renommée du FESPACO ne se fera pas sans eux. Il est donc important de travailler à imprimer une dynamique plus forte au FESPACO. Comme nous l’avons toujours dit, nous n’allons pas attendre toujours l’organisation de la biennale pour créer cette ferveur autour du FESPACO. Le FESPACO est un outil, un instrument, une institution permanente. La mobilisation autour du FESPACO doit toujours aussi être permanente. C’est à ce prix que nous pourrons ensemble faire avancer le cinéma africain. Il va sans dire que le progrès du cinéma africain implique inéluctablement celui du réalisateur et du comédien africain. Il y a toute une action à réaliser ensemble qui nécessite que nous restions unis, main dans la main afin de faire grandir le FESPACO.

Artistebf Aout 2009

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