Pierre Claver ILBOUDO, Traducteur Interprète et Écrivain

Pierre Claver ILBOUDO, Traducteur Interprète et Écrivain

Dans cet entretien, Pierre Claver ILBOUDO nous parle de son métier de traducteur- interprète, de la littérature et il nous dit aussi, pourquoi il n’aime pas la politique. L’homme qui dit avoir volé le temps à sa femme pour écrire, est auteur de plusieurs œuvres.

Comment l’envie vous est arrivée d’écrire ?
Pierre CLAVER ILBOUDO ( PCI ) : Disons que j’ai toujours aimé la chose écrite. Même à l’école, j’aimais bien la dictée, les rédactions et autres. J’ai toujours senti un penchant pour ce qu’on raconte. Après mon primaire, je suis allé au petit séminaire de Pabré; je devrais être en classe de 4è ou de 3ème comme ça. Il y avait un petit concours littéraire qui avait été organisé sur la poésie auquel j’ai participé. Le titre du poème était “J’aime ma peau”. J’ai eu le premier prix “un tee shirt” . Après ma seconde, j’ai quitté le séminaire pour le Lycée Philippe ZINDA KABORE. Mais depuis ce poème, je n’ai plus arrêté d’écrire jusqu’à ma terminale où j’ai encore écrit ” LE FILS AINE”. Ce fut mon premier roman.

Vous parlez d’un journaliste dans votre roman “MADAME LA MINISTRE ET MOI”. Est-ce votre auto biographie ?
En fait, j’ai beaucoup d’amis journalistes. J’ai pratiquement côtoyé les Samuel KIENDRE et bien d’autres journalistes de la radio comme de la presse écrite. Je les observais travailler et ça m’a permis d’avoir des idées.

Vous vous êtes aussi essayé au théâtre puisque vous avez écrit 2 pièces contre 6 romans aujourd’hui. Comment expliquez-vous ce revirement? Le Théâtre n’était pas rentable ou quoi ?
J’étais allé au théâtre dans le cadre du Concours Théâtre radio phonique organisé par l’Office de Radio Télévision Française (ORTF). Pour la circonstance, j’avais écrit et envoyé 2 pièces de théâtre. Je n’ai pas obtenu de prix pour la première pièce. La 2ème par contre m’a valu 2 étoiles; ce qui voulait dire qu’elle devrait être mise en scène et jouée par la Radio diffusion de mon pays. La pièce a été donc renvoyée à la Radio Nationale du Burkina pour exploitation et pour mise en scène et C’était SOUS JACOB qui avait la charge de la mise en scène. Donc, après avoir tâté la poésie et le théâtre, j’ai préféré voir qu’est-ce qui me permettait réellement de déployer mon imaginaire et de m’épanouir dans le domaine littéraire. Je me suis aperçu que c’était plus intéressant pour moi de me stabiliser dans le roman. Comme je vous le disais, dans le roman, il y a tout : poésie, théâtre, nouvelle.
Finalement, le cordonnier est toujours mal chaussé. Vous êtes traducteur interprète du français vers l’anglais et aucune de vos œuvres n’a été traduite en anglais. Y a-t-il une raison à cela ?
Ah, je n’ai pas le temps ! Chaque jour que Dieu fait, je suis toujours en cabine. Dans le domaine de l’interprétation, je suis de langue “A” (français); ma langue “B” c’est l’anglais. Normalement, on ne traduit pas vers sa langue “B”. Ceux qui connaissent les langues savent le savent bien.

Nous avons découvert en parcourant votre roman ” Madame la ministre et moi ” que vous aimez aussi la politique. Vous n’accepterez pas l’avouer; mais nous sentons la politique en vous. Parlons –en un peu.
Non ! Politicien, pas du tout ! En fait, si je faisais la politique, je serai indubitablement un homme de gauche. L’homme de gauche, c’est quelqu’un qui va dans le sens de mon penchant naturel. Mais je dis que je ne suis pas un politicien, j’observe ! Je regarde, je vois ce qui ce qui est bien, ce qui est moins bien et j’en parle. Comme on le dit ” quand le train arrive à l’heure, il n’y a rien à raconter”.

Mais vous avez tout de même milité dans les petites formations politiques à l’Université
Après mon bac, j’ai obtenu une bourse et j’ai été à l’université de Lagos pour poursuivre mes études. J’étais à Lagos pendant que certains de mes camarades évoluaient à l’université de Ouagadougou qui était en fait comme un creuset d’idées de toutes sortes.

Oui, mais vous étiez de quel bord ? Le marxisme-léninisme ?
(rires) . moi j’ai toujours étais de la gauche sans pourtant être partisan des choses stratifiées ou figées ou trop rigides parce que les situations ne sont pas les mêmes. Je sais que parmi mes camarades, Il y en avait qui ne juraient que par l’Albanie, la CORÉE DU NORD. Moi je crois qu’il faut faire les choses à la mesure de notre propre vision et de notre propre environnement. Après ma licence, je suis allé à Paris mais je m’intéressais beaucoup aux veillées débats.
Vous savez, la politique, c’est quelque chose qui vous prend et qui vous dénature, qui vous empêche d’être vous-même et qui vous empêche de continuer de donner votre point de vue de façon très sincère. Je fais la politique de ma manière en aidant par exemple les gens de mon village. Mais ma politique ne consiste pas à appartenir à un parti, à aller à la télé ou à s’aligner derrière quelqu’un qui dit des choses auxquelles vous ne croyez pas. Quand vous rentrez dans la députation ou quand vous êtes élu maire d’une commune, votre énergie est totalement bridée, canalisée et il y a des choses que vous ne pourrez plus dire. Or, si vous étiez en dehors de ce cercle, vous exprimez les choses telles que vous les ressentez. En politique, vous ne vous appartenez plus !
Revenons donc à notre littérature. Vous écrivez à un moment où les jeunes s’adonnent de moins en moins à la lecture. Les jeunes préfèrent fouiller sur le net que de lire des romans. Ça ne vous effraie pas ?
Non ! ce n’est pas un problème dans la mesure où c’est un besoin que je ressens en écrivant. C’est un besoin que je mets tout en œuvre pour assouvir quelque soit la finalité. Le jour même où il y aura Zéro lecteur, je vais toujours continuer d’écrire.

Nous croyions qu’il fallait écrire pour être lu ! Si les gens ne vous lisent pas comment comptez-vous transformer la société ?
Oui, l’idéal c’est d’être lu ! quelqu’un disait que ” l’au-delà du livre, se trouve dans la tête, dans l’esprit du lecteur “. C’est-à-dire que le livre est une donnée brute qui est ruminée, digérée et transformée pour devenir quelque chose dans l’esprit du lecteur. Donc, le lecteur a un rôle incontournable parce que c’est lui qui permet au livre de devenir réellement “livre”.
Le lecteur a donc un rôle incontournable et c’est grâce à lui que le livre est ce qu’il est. Autrement, ce ne sont que des signes tracés. L’auteur lui-même étant un lecteur incomplet. L’idéal, est qu’effectivement le livre trouve quelqu’un qui le lise afin que le cycle soit parachevé. C’est dommage que les jeunes ne s’intéressent pas assez à la lecture. Ils préfèrent les jeux vidéo.

Comme vous le dites vous-même, les gens lisent de moins en moins et comment comptez-vous donc rentabiliser votre travail ?
Bon, il faut que celui qui écrit mette en dernier plan cet aspect économique et monétaire. Compter sur son écrit pour vivre dans un pays comme le Burkina est absolument impossible. Il faut donc écrire par amour de la chose, pour s’exprimer tout en espérant qu’il y aura quelqu’un en face pour vous lire. Comme on le dit, quelqu’un qui écrit est comme une personne qui jette une bouteille à la mer qui contient ses idées, ses espoirs, ses souvenirs et même sa personnalité. Il espère que les questions qu’il pose trouveront écho auprès d’autres personnes.

Cela nous amène du même coup à parler des problèmes qui se posent aujourd’hui à la littérature au Burkina Faso. Y a-t-il des difficultés qui font obstacle à la promotion de la littérature burkinabé ?
Oui ! il y a plein de problèmes. Le problème de l’édition par exemple. Il y a plein de manuscrits qui dorment dans les tiroirs parce qu’il n’y a personne pour les éditer. Il faut donc d’abord arriver à régler le problème de l’édition. On me dit qu’il y a beaucoup d’éditeurs au Burkina. Mais en réalité, ce sont des gens qui empruntent souvent votre manuscrit et qui vous demandent de payer une certaine somme. Si vous avez les moyens, il vous fait le travail et vous vous entendez pour la distribution.
Ensuite, il n’y a pas de circuit de distribution en dehors d’Ouagadougou. Les bibliothèques et les librairies sont encore embryonnaires.
Enfin, il y a le problème du lecteur. L’objectif de celui qui écrit est de trouver en face quelqu’un qui lui renvoi l’image de ce qu’il écrit. La plupart de nos concitoyens ne sont pas allés à l’école et le pouvoir d’achat de ceux qui sont instruits (20% environ) ne leur permette pas d’acquérir le livre. Il faut donc un minimum de confort chez soi ou au bureau pour pouvoir lire. C’est comme quelqu’un disait ” il faut avoir un minimum de bien être pour pouvoir pratiquer la vertu” . Il y a également le fait que la société environnante est d’essence de tradition orale et qui ne laisse pas la possibilité aux gens de lire. Ils sont assaillis par des gens qui leur rendre visite. Voilà autant de problèmes …

Il y a la reproduction illégale de œuvres littéraires que vous n’avez pas évoquées. A ce sujet, est-ce que les écrivains sont aussi confrontés à la reproduction illégale des œuvres littéraires comme il est du cas du cinéma ou de la musique ?
Oui ! C’est un phénomène très courant. Les gens prennent votre livre et ils photocopient pour faire un devoir, une thèse ou faire des recherches. Mais je trouve que c’est encore moins grave qu’au niveau de la musique où, à partir d’un CD ou d’une cassette, les gens dupliquent et redistribuent à grande échelle malgré les droits d’auteurs qui sont là.
C’est pourquoi le Bureau Burkinabé du Droit d’Auteur (BBDA) veut définir des textes clairs pour amoindri le phénomène.
Est-ce que vos œuvres sont inscrites au programme des universités de Ouagadougou ?
Oui, il n’y a pas mal d’étudiants en maîtrise qui me contactent à propos de mes œuvres. Au secondaire, il y a des textes ou des passages de mes œuvres qui sont extraits pour des dictées par exemple. C’est d’ailleurs pour inciter les étudiants et les élèves à mieux connaître nos œuvres que le thème du dernier salon du Festival International du Livre de Ouagadougou (FILO) portait sur l’introduction des ouvrages burkinabé dans les programmes d’enseignement. Je crois que c’est l’un des moyens pour arriver à une véritable éclosion littéraire au niveau du Burkina. Continuer d’étudier les ouvrages de Victor HUGO ou autre, c’est bien parce que c’est la littérature internationale. Mais c’est encore mieux si le public découvrait également ce que les burkinabé produisent. C’est par cette voie que nous apprendrons à aller davantage vers notre culture et à mieux l’appréhender. La personnalité ou le développement n’est autre que l’organisation au niveau mental. Nous ne pouvons pas aller vers le développement en cherchant sur les idées d’autres personnes qui ont conçu leurs ouvrages à partir d’un environnement propose à eux. C’est comme si on commençait à construire une maison par la toiture.
Quels sont vos projets à l’avenir pour notre jeunesse ? Est-ce une grande école d’interprétariat ou un espace culturel ?
Non je n’ai pas de plan grandiose en ce sens. J’ai modestement et humblement l’intention de continuer d’écrire dans l’espoir qu’un jour la jeunesse va s’intéresser davantage à la lecture et s’instruire aussi parce que tout est dans la lecture, tout est dans la culture. C’est pourquoi, sur le temple de Delphes, il était écrit ” ” Homme, connais-toi toi-même; homme devient ce que tu es”.

Je conseille à la jeunesse d’aller à l’école parce que tant que nous ne serons pas instruits, nous ne pourrions pas nous organiser conséquemment, mentalement et psychologiquement pour aller vers quoi que ce soit.
Juillet 2011

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