Rasmané OUEDRAOGO, comédien

Rasmané OUEDRAOGO, comédien

Rasmané OUEDRAOGO (pintade en main) et son acolyte Halidou SAWADOGO sont deux talentueux comédiens burkinabé  que vous pourrez également emporter sur vos plateaux de tournage. Nous vous les Recommandons fortement pour vos projets de communication, films documentaires ou de long métrage. Ils ont à leur actif plus de trente films de courts comme de longs métrages.

Le premier, affectueusement appelé “RASO” que nous avons l’honneur de vous présenter a été Président du Syndicat National des comédiens du Cinéma et Président du Conseil d’Administration du FESPACO. De part son capital d’expérience, Raso s’impose comme une référence dans le métier de comédien. Mais bien plus que le métier de comédien, Raso a une face cachée que nous vous laissons le soin de découvrir à travers notre entretien.


Ramané OUEDRAOGO (RASO) : Je voudrais d’abord compléter votre présentation. je m’appelle Rasmané OUEDRAOGO. Je suis avant tout réalisateur de formation. J’ai fait l’INAFEC, j’ai fait une école de cinéma. J’ai fait l’école supérieure de l’Audio-visuel à Paris où j’ai obtenu un diplôme supérieur en spécialité de production. Pour tout dire, je suis d’abord un technicien de cinéma. Comme je dis souvent, c’est le hasard qui m’a fait comédien ; et je le fais depuis 30 ans. En dehors de ça, comme vous l’avez-vous évoqué, je suis chargé d’étude au Ministère de la Culture. Mais avant, j’ai contribué à la mise en place de ‘ISIS (Institut Supérieur de l’Image et du Son) dans sa forme actuelle. Responsable de la production au niveau de la Direction de la cinématographie. De 1985 à 1993, j’étais secrétaire général adjoint de la FEPACI (la fédération panafricaine des cinéastes). Aujourd’hui, je suis le point focal de l’UNESCO au niveau du Ministère de la culture. Aussi, je suis fondateur du Syndicat National des Comédiens du Cinéma. Pendant longtemps, j’ai été expert sur la diversité culturelle que ce soit au niveau des organisations sous régionales ou continentales. Enfin, j’ai été pendant 7 ans et demi Président du Conseil d’Administration du FESPACO. Je viens de rendre ce tablier parce que les textes prévoient trois ans renouvelables 2 fois. Or, moi j’étais déjà en dépassement d’un mois et demi sur le mandat normal.

Artistebf (Art ) : Durant 7 ans et demi, vous êtes restés président du conseil d’Administration du FESPACO et président du syndicat. Il y a de quoi douter de votre efficacité. Comment êtes vous arrivés à concilier les deux responsabilités  syndicalisme et PCA ?
RASO : Mais le syndicat n’est pas une fonction. Ce n’est non plus un bureau où je suis assis et pour lequel je suis payé. Le syndicat c’est d’abord une lutte et un engagement personnel. Le syndicat ne m’empêche pas de rencontrer qui je veux donc il n’est pas un handicap pour moi tout comme il ne me gêne pas d’être fonctionnaire. Il n’y a pas dichotomie en cela.

Art : Quels sont les attributions d’un Président d’un conseil d’administration ? Vous faites quoi exactement à ce poste ?
RASO : C’est représenter le Ministre de tutelle. Le président d’un conseil d’administration est comme un intérimaire du ministre, sa voie, ses yeux et ses oreilles. Nous sommes celui par lequel, il passe pour imprimer une vie à une institution. Nous sommes chargés de la mise en application de la politique de l’Etat dans la matière de compétence de l’établissement. En retour, nous lui rendons compte de ce que nous avons vu, ce que nous constatons et ce que nous souhaitons à travers les rencontres avec le personnel. Nous faisons remonter au ministre toutes nos observations dignes d’intérêt afin de lui permettre de prendre la bonne décision.

Art : A propos justement de cette responsabilité de président de conseil d’administration, certains comédiens disent que vous êtes non seulement PCA mais aussi un fonctionnaire régulièrement payé par l’Etat. Par conséquent, vos préoccupations sont aujourd’hui loin de celles du comédien. En termes clairs, « le Raso que vous êtes » ne peut plus défendre les intérêts d’un artiste comédien qui ne vit seulement que cette profession. Qu’en pensez-vous ?
RASO : Je voulais dire d’abord que toutes les professions culturelles qui sont nées l’ont été grâce à des fonctionnaires. Kouyaté SOTIGUI était fonctionnaire en même temps qu’il animait le théâtre. Prosper KOMPAORE est fonctionnaire de l’Etat en même temps qu’il fait vivre sa troupe de théâtre. Il en de même pour Jean Pierre GUINGANE qui est fonctionnaire et qui dirige le théâtre de la Fraternité. Tous les pères fondateurs des activités culturelles crées au Burkina Faso sont issus de fonctionnaires de l’Etat.

Art : Mais ici, nous parlons de Raso qui assure la présidence de deux entités : syndicat des comédiens et Conseil d’Administration.
RASO : Attendez ! Ne mélangeons pas les choses ! ; Et qui vous dit que ceux dont j’ai fait cas n’étaient pas dans le syndicat ? Qui vous dit qu’ils n’étaient dans le syndicat ? Je ne rentrerai pas dans de petites querelles. Nous avons des problèmes de fond, il faut que nous les résolvions ensemble. Comment faire pour qu’il y ait assez de productions ? Je ne prends pas le rôle de quelqu’un. Lorsqu’un réalisateur écrit son film et qu’il a pensé moi, eh bien ! Syndicaliste ou non, c’est moi qu’il prendra. Il y a des films qui se font dans le pays dans lequel je ne joue pas. Je n’arrache le pain de la bouche de quelqu’un. Sinon, il y a bien des comédiens qui font aussi mille activités en ville, (boutiques, étalages, troupes) sans que ça ne gêne personne. En quoi alors mon statut de fonctionnaire ou de PCA ou avoir un compte bancaire peut aussi gêner… ? C’est vrai ! je confirme que j’ai un compte bancaire fruit de mon intelligence. Je travaille et en même temps, je ferai toujours mon cinéma comme il me plaira. D’ailleurs ce n’est même pas fini ! Je ferai encore plein de choses. Je crois qu’il faut se battre pour faire assez de représentations au niveau du théâtre, et du cinéma afin de faire participer un maximun de comédiens. C’est pourquoi je préfère garder mes amitiés, mes respects à l’endroit de ceux qui ont tenu de tels propos à mon endroit. Je sais que ces derniers le regrettent aujourd’hui parce qu’ils savent que je me bats pour le cinéma. Pour ce qui est du statut des artistes, qui a été le premier à rédiger sa monture ? C’est moi ! Et c’est en tant que fonctionnaire que je me suis rendu compte des lacunes et de toutes les carences qui manquaient pour les comédiens. Nous étions un comité ad hoc composé de 4 personnes au départ pour réfléchir et proposer un projet de texte. Je me garde de dire n’importe quoi du fait de mon statut de fonctionnaire pour lequel j’ai une obligation de réserve sur certains aspects professionnels.

Art : Raso, vous êtes comme un symbole vivant de la comédie burkinabé au regard des nombreux films dans lesquels vous avez joués. Peut-on dire sans nous tromper que le cinéma est un domaine porteur aujourd’hui ?
RASO : Le cinéma aurait dû être porteur si, au lieu de chercher les solutions à la fin, nous avons chercher à les comprendre dès le départ. Aujourd’hui, il y a des artistes qui vivent à l’aise de leur profession. C’est toute la profession qui est malade. Je ne parle pas de ceux qui tripatouillent dans un budget pour avoir à manger. Non ! ça, ce n’est pas « vivre de … » Vivre de quelque chose, c’est créer une activité susceptible de produire des recettes pérennes à tous les acteurs. Or aujourd’hui, tel n’est pas le cas parce que la manière dont nous avons abordé le cinéma, ne permet pas de créer des recettes. Nous avons commencé par le cinéma d’auteur. Un cinéma où c’est le réalisateur seul qui compte. Il est en même temps le comédien, le Producteur, le vendeur etc. Vous voyez, le départ même a été faussé parce que nous n’avons pas appréhendé le cinéma comme une industrie. Nous l’avons vu seulement comme un véhicule culturel, un moyen de sensibilisation et d’éducation. En fait, ce que le français nous a appris. Mais là, nous sommes loin de la réalité parce que le cinéma c’est de l’industrie ! . La pellicule, la camera, les comédiens sur le plateau de tournage sont autant de charges qu’il faudra équilibrer avec les recettes. C’est vrai que l’Afrique francophone a toujours travaillé dans le cadre des subventions gratuites et à perte parce que les institutions ne nous obligent pas à justifier les chiffres.

Art : Les problèmes de notre cinéma ne sont-ils pas liés à la pauvreté de leur contenu ? Nous voulons surtout parler des thèmes abordés par les réalisateurs qui sont soit dépassés ou n’intéressent personne.

RASO : Mais attendez-là ! Nous avons fait les mêmes films que les ghanéens ou les nigérians. Aujourd’hui, j’allais dire qu’ils vivent mieux de leur art que nous. Il y a toute une vision, tout un concept de cinéma selon qu’on est francophone ou anglophone. Tandis que réalisateurs francophones placent le cinéma sous l’angle de véhicule culturel, les anglophones, eux, le considèrent comme un business. Nous ne poursuivons pas les mêmes objectifs. En termes plus clairs, les cinéastes anglophones font du business avec le cinéma et nous, francophones, cherchons à faire de la politique. Regardez un peu ! Il y avait des films qui se projetaient ici: il y avait des salles de cinéma; la SONACIB fonctionnait bien et il y avait de l’affluence aussi. Aujourd’hui, la situation se présente autrement. Si vous faites aujourd’hui un film, où allez-vous le projeter ? Dans quelle salle ? La faute n’est pas imputable aux réalisateurs. C’est le système qui n’est pas bon.

Art : Raso, vous êtes aujourd’hui considéré comme un monument vivant de la comédie burkinabé . Pourquoi êtes-vous restés jusque-là au stade de comédien alors que vous avez toutes les compétences pour réaliser au moins un film comme l’ont déjà fait certains comédiens. Est-ce un manque de créativité, d’inspiration ou simplement un manque de moyens ?

RASO : Vous-même, votre question est confuse !. J’enseigne déjà le cinéma. Pendant les réalisations, j’aide les réalisateurs à faire de la mise en scène. Comme vous le dites, j’ai 30 ans de métier. C’est ça la différence ! 30 ans dans un métier, on peut être considéré comme « un expert ». Quand vous faites quelque chose dans la vie, donnez-vous les moyens de le faire bien. Par contre, il faut éviter de sauter du coq à l’âne ; c’est à dire être partout et nulle part. Hier comédien, Aujourd’hui, réalisateur ou monteur, demain, c’est autre chose… Mais finalement, qu’est –ce qu’on sait faire ? Rien ! Je crois que vous faites souvent erreur car le cinéma ne s’arrête pas seulement au réalisateur. Le cinéma est un tout et je ne comprends pas pourquoi vous voulez cantonner tout le monde à la réalisation. Est-ce le réalisateur que les gens vont voir à l’écran ? Voilà un autre concept du cinéma que vous véhiculez en disant que « le cinéma, c’est le réalisateur ». Non !. Le réalisateur n’est qu’un maillon de la chaîne. Il est au même titre que le ramasseur de câble ou celui qui allume les projecteurs. En temps normal, c’est le producteur qui engage le réalisateur pour faire un film. Aux Etats Unis, on parle peu des réalisateurs parce que le film appartient d’abord au producteur. Quant au comédien, il est la denrée qu’on consomme. C’est pourquoi, il faut mettre l’accent sur les comédiens car c’est eux qui feront la rentabilité et la popularité du film.

Art : En votre qualité de réalisateur, ce n’est donc pas un manque de moyens ou d’inspirations qui fait que vous n’avez rien réalisé jusque-là, malgré le capital d’expérience que vous avez ?
RASO : Non ! Ce sont vos propres limites. Quelqu’un qui connait le cinéma ne fait pas de telles analyses. Je vous assure qu’En Europe, on ne me pose pas une telle question. C’est de l’incurie de penser que le cinéma, c’est la réalisation. Aujourd’hui, mettez-moi dans la rue avec n’importe quel réalisateur. C’est moi Raso qu’on interpellera et pas le réalisateur. Alors, n’est-ce pas déjà suffisant ? Je dois ma popularité grâce à ce métier de comédien. Pourquoi voulez-vous que j’abandonne ce métier pour la réalisation ? Par contre, si j’étais réalisateur, j’aurais fait deux ou trois films obscurs sans que personne ne me connaisse. J’ai atteint mon objectif. Ce qui est sûr, avec mon rôle de comédien, je ne mourais pas inconnu ni dans l’anonymat.

Art : Quel bilan peut –on faire aujourd’hui sur notre cinéma, 50 ans après ?
RASO : Il y a eu un bel élan dans les années 69 -70 avec des lois assez audacieuses prises par un ministre burkinabé, Marc GARANGO. Aussi, devons reconnaître qu’il y avait déjà une association de cinéastes très actifs qui a fait naître l’Union Nationale des cinéastes, la Fédération Panafricaine des Cinéastes et la première semaine du cinéma devenue aujourd’hui FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou).
Pendant la période révolutionnaire, avec l’implication directe et active des autorités de cette époque, le cinéma a connu une certaine gloire. Malheureusement, cette période glorieuse de notre cinéma ne durera que le temps d’un feu de paille avec les conditions drastiques de la Banque Mondiale et du FMI imposées à tous les pays en voie de développement. Le Burkina Faso, évidemment n’a pas échappé à la règle. C’est ainsi que l’Etat burkinabé s’est progressivement désengagé de tout ; y compris le secteur du cinéma qui, comme je le disais, était jusque-là un cinéma assisté. La plupart des sociétés d’Etats ont été privatisées. Le cinéma burkinabé a donc subi une chute libre puisque le fonds de la Société Nationale du Cinéma du Burkina (SO.NA.CI.B) qui nous permettait de fonctionner était maintenant au rouge au niveau du trésor public. La SONACIB a disparu parce qu’elle n’arrivait plus à remplir son contrat et l’activité cinématographique s’est arrêtée.
Mais je crois que nous sommes en train de renaître petit à petit puisque les professionnels se sont eux-mêmes rendu compte que l’Etat ne sera jamais l’épaule sur laquelle ils séjourneront éternellement. Il faut donc trouver des stratégies pour pouvoir décoller soi-même. En d’autres termes, il faut repenser notre cinéma, diversifier les métiers, disposer assez de maisons de production afin que chacun puisse vivre de son métier. Déjà, nous pouvons dire que ça commence à venir. Ces dernières années, il existe une multitude de maisons de production très actives et qui entretiennent de bonnes relations commerciales et d’affaires avec les institutions. Je crois que c’est positif. Le cinéma asiatique, né après le nôtre a pris une grande longueur d’avance sur nous parce qu’il a été pris sous l’angle du BISNESS. Tout compte fait, l’espoir est permis dans la mesure où une nouvelle politique nationale en matière de culture a été adoptée. Nous n’attendons que sa mise en application pour apprécier. Il y a le statut des artistes qui sera bientôt mis en place. L’institut Supérieur de l’Image et du Son (ISIS) est opérationnel puisqu’il y a de jeunes cinéastes qui y sont formés. Enfin, nous nous réjouissons du cercle des cinéphiles qui s’élargit de jour en jour. Avec le numérique, la production est beaucoup plus facile. Le seul problème aujourd’hui, est de pouvoir convaincre les banques et d’autres privés pour qu’ils acceptent invertir dans le cinéma. Nos opérateurs économiques tels KANAZOE ou Hamadé BANGRE, en dehors des publicités cubes magies et JUMBO, ne sont pas prêts à mettre de l’argent dans la publicité parce qu’ils ne comprennent toujours pas l’importance du cinéma.

Votre mot de fin

RASO : Je suis heureux d’avoir vu le premier cinquantenaire. Mon souhait c’est d’être encore au rendez-vous du second cinquantenaire. C’est un vœu que je forme pour tous les camarades qui triment toujours dans l’art en général. Je me rappelle que nous étions battus lorsqu’on allait voir un film parce qu’il n’y avait que des voyous qui fréquentaient les salles de cinéma ou le théâtre. Je souhaite vraiment que toutes ces activités puissent se développer au grand bonheur de nos enfants et petits fils.

Patrick COULIDIATY

Leave a comment

Send a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *