Technologies et développement endogène, Joachim TANKOANO en parle

Technologies et développement endogène, Joachim TANKOANO en parle

Depuis l’avènement des technologies, le Burkina Faso n’est pas resté en marge du boom numérique mondial malgré la précarité des moyens. Le pays des hommes intègres à l’instar des autres pays s’est vite adapté aux nouveaux défis de l’information et de la communication. La question aujourd’hui est de savoir comment le Burkina peut-il maintenant s’approprier cette technologie pour parvenir à un développement endogène qui soit profitable au plus grand nombre ?

Pour en savoir plus, nous avons approché Joachim TANKOANO, Docteur d’Etat  en Sciences ès Sciences informatiques. Ancien ministre  des Postes et des Technologies de l’information et de la Communication du Burkina Faso, le Docteur Joachim TANKOANO est une personnalité sobre,  discrète mais bien trempée  des questions technologiques. Co-auteur d’une publication intitulée « Internet au Burkina Faso : Réalités et Utopies » avec l’ancien ministre de la culture Mahamoudou OUEDRAOGO, l’ancien locataire du ministère  des Postes et des Technologies de l’information dispose également à son actif d’autres publications sur les Sigles de système de gestion de base de données (SGBD).

Enfin, depuis 2009, Docteur Joachim TANKOANO est Consultant en politiques publiques de développement de l’utilisation des technologies numériques. C’est donc un homme averti des questions numériques que nous avons rencontré pour échanger sur les technologies et leur contribution au développement du pays.

Comment alors s’approprier ces technologies pour parvenir à un développement endogène qui soit profitable au plus grand nombre ? Voilà la question que nous avons posée à notre invité.



J.T. : On ne rejette pas les avancées technologiques qui simplifient notre vie ou qui apportent des réponses essentielles à nos préoccupations fondamentales à cause des risques. On les adopte tout en essayant en même temps de minimiser les risques de notre choix, donc en faisant un choix raisonné.

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1 – LES ASPECTS FONDAMENTAUX

Pour ce qui concerne notre pays, je crois profondément qu’on devrait se concentrer sur 4 aspects fondamentaux.

  • Le premier aspect,  c’est la vision.

Pourquoi et comment nous Burkinabè devons-nous repenser et remodeler notre société en nous appuyant sur ces technologies et quelles sont les précautions que nous devons prendre pour nous affranchir des risques qui en découlent ? Si nous répondons clairement à ces questions, les avantages que nous devons privilégier et les risques que nous devons travailler à minimiser nous apparaîtront de façon très claire et plus sûre et obtiendront l’adhésion de tout le monde. Sur la base de cette vision consensuelle les trois autres aspects fondamentaux que nous devons considérer sont les suivants.

  • Le deuxième aspect c’est la réglementation.
Dr Joachim TANKOANO, Ancien ministre des Postes, des Technologies de l’information et de la Communication

C’est réjouissant de constater que la société civile commence à comprendre l’importance de cet aspect qui conditionne tout le reste, quand bien même,  il lui reste encore beaucoup à faire afin de jouer pleinement son rôle dans ce domaine. Cette réglementation doit concerner aussi bien les fondements de l’économie engendrée par ces technologies que les pratiques et usages qu’elles permettent. Ce que beaucoup de gens ignorent c’est qu’il s’agit d’un secteur qui peut s’autofinancer si la réglementation est conçue dans cette perspective.



En d’autres termes, nous n’avons pas besoin de financements extérieurs sous forme de dons ou de prêts pour bâtir une infrastructure de communication adaptée à nos besoins ou pour développer les compétences dont nous avons besoin, mais simplement d’une bonne réglementation. Une bonne réglementation peut même permettre à ce secteur de financer le développement d’autres secteurs comme c’est le cas actuellement. Ces technologies donnent aux Etats de nouvelles possibilités très subtiles pour la collecte des « impôts » aussi bien auprès des citoyens que des entreprises à travers des prélèvements non perceptibles sur les frais de communication. Quant à la réglementation des pratiques et des usages, elle peut être utilisée pour minimiser les risques. À titre d’exemple, les fake news que tout le monde déplore sont facilitées par l’absence d’une réglementation appropriée, car si elle existait, les personnes qui produisent ces fake news ou les diffusent seraient plus craintifs lorsqu’ils veulent se lancer dans ce genre d’activités.

Les deux autres aspects sur lesquels nous devons nous concentrer concernent la mise en place d’une infrastructure de communication de base large bande accessible à très faible coût et le développement des compétences dans ce nouveau domaine qui doit toucher aussi bien les techniciens, les utilisateurs finaux que les spécialistes de la réglementation.

Comme je viens de le dire, tout ceci peut être financé par une bonne réglementation.

  • La mise en place d’une infrastructure de communication

Pour réussir la révolution industrielle on a besoin d’une industrie lourde coûteuse à mettre en place. Alors que pour réussir la révolution digitale, on n’a besoin que d’une bonne vision et d’une volonté très forte.



En trois quatre ans, nous pouvons changer la physionomie du Burkina  de façon radicale. Au Rwanda par exemple, ces technologies sont utilisées de manière massive. Rien ne nous empêche de le faire au Burkina. Nous avons tous les éléments en notre possession. Il suffit simplement de le vouloir.

  • Le développement des compétences

Aujourd’hui, nous avons une jeunesse qui est née avec cette technologie, qui comprend son importance et qui veut l’utiliser de façon innovante. C’est un atout qui peut aider à une plus grande utilisation de cette technologie, pour réaliser un bond qualitatif et  décisif dans notre processus de développement.

A travers cette réponse, chacun peut forger à son niveau la sienne. Pour ce qui me concerne, en me projetant dans la société que nous devons œuvrer à mettre en place, si je n’ai pas mon téléphone comme vous le dites, je serais coupé en très grande partie de la société, car le téléphone serait devenu un élément essentiel de notre vie en société. C’est ce moyen que nous utiliserons pour nous identifier et pour accéder aux services que nous offre la société. Pour venir à mon domicile, vous auriez dû me demander  ma géo-localisation plutôt que de vous indiquer le chemin à suivre, afin que votre téléphone puisse vous guider de la meilleure façon possible.



Réfléchir sur comment bâtir la nouvelle société et comment encadrer le comportement des différents acteurs

C’est une nouvelle société qu’il faut bâtir, il faut réfléchir sur comment bâtir cette nouvelle société et comment encadrer le comportement des différents acteurs à l’intérieur de cette société; ça c’est possible !  Je pense qu’il faut éviter de diaboliser les choses. Il y a beaucoup de discours qui tendent à tout diaboliser. NON ! Il faut plutôt chercher à comprendre ce qu’on peut tirer de bien de ces technologies et qu’est-ce que nous pouvons faire pour en tirer le maximum. Quels sont les risques ? Et que pouvons-nous faire pour réduire ces risques ? Nous ne pouvons pas nous en passer parce qu’elles impactent positivement toutes nos activités.

Notons que Joachim TANKOANO est le promoteur du site web « Ayelé.com »

Propos recueillis par Abiba NAMOANO et Patrick COULIDIATI

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