Désiré Victor ZIDA : Réalisateur

Désiré Victor ZIDA : Réalisateur

S’il y a un métier qui force aujourd’hui l’admiration de la jeunesse burkinabé dans le domaine audiovisuel, c’est bien le métier de réalisateur. Cet engouement des jeunes pour la réalisation s’est encore accéléré ces dix dernières années par l’avènement du numérique. Un smartphone, une petite caméra, une tablette ou un simple téléphone portable, peut rapidement et sans peine transformer son utilisateur en un réalisateur. Au regard de la floraison de réalisateurs amateurs, du Boom de la technologie mobile et du matériel de réalisation qui la sous-tend, on ne peut manquer de se poser la question sur l’avenir de ce métier. Voici le portrait de Désiré ZIDA notre invité de la semaine :

Quel avenir donc pour la réalisation ? C’est la question que nous avons posée à Désiré Victor ZIDA, réalisateur à la RTB. Pour l’avoir souvent approché pendant les tournages, nous sommes tenté de dire que c’est un “gros bosseur”, soucieux du travail bien fait; une manière certainement pour lui de donner le bon exemple à la génération montante.
Tapis Rouge pour ce réalisateur dont la mutation, de l’analogie au numérique se déroule sans heurts malgré la vétusté de son matériel de travail et l’absence de formation continue à l’utilisation d’un matériel de pointe de plus en plus exigeant.

Désire ZIDA ( D.Z.: ) Je m’appelle Désiré Victor ZIDA, Je suis cinéaste et c’est le métier que je sais faire le mieux. Je suis un ancien élève de l’INAFEC où j’ai fait 3 ans de formation après l’obtention du BAC. Après la formation, j’ai réussi au test de recrutement de cadreur lancé par le ministère de la communication qui recherchait différents spécificités dans les différents corps de métiers. J’ai exercé ce métier de cadreur pendant une quinzaine d’années avant de me lancer dans la réalisation. Je suis depuis 2015 au service des productions de la télévision nationale.

Art.BF: Qu’est- ce qu’il faut aujourd’hui à la RTB pour de meilleures qualités d’images?
D.Z : Ce qu’il faut à la RTB pour de meilleures qualités d’images, ce sont d’abord les équipements parce que depuis l’insurrection, si vous jetez un coup d’œil au studio, on n’a reçu aucune aiguille au studio malgré que nos cameras aient été saccagés. Quand je dis équipements, c’est toute la chaine qui compose un studio de production : la communication, les caméras, les manuels de réglages et autres… Aujourd’hui, tu ne peux pas parler à un cadreur, les réglages des caméras, tout l’automatisme des caméras et les diaph ne marchent pas.

Secundo, c’est la formation. Elle est d’une grande importance pour le personnel. Nous sommes une structure étatique et la plus part des gens qui travaillent au sein de la RTB ont été soit formés sur le tas, soit dans les instituts de formation par le jeu des concours professionnels. Malheureusement, les curricula de formation dans ces écoles ne répondent toujours pas aux attentes ou aux besoins du terrain. Quand quelqu’un vous dis par exemple qu’il a un diplôme d’ingénieur de cinéma, à mon avis il n’a rien dit. Un ingénieur de cinéma ne répond à rien parce que le volume horaire de cette formation est d’environ 30h; ce qui est insuffisant. En fin de cycle donc, ces dits ingénieurs de cinéma ne maitrisent ni l’image, ni l’écriture de scénario, ni la réalisation, ni le son. En fait, ils ont seulement un titre ronflant parce que sur le terrain, il faut qu’on leur réapprenne.

Après la formation, il y a aussi la question de motivation. Dans quel corps où un agent commence par le grade de lieutenant et fini sa carrière par lieutenant ? Il y a quand même un problème ! Il y a des fonctionnaires qui travaillent depuis 20, 25 ,30 ans à la RTB et qui sont toujours dans la catégorie où ils ont été recrutés. Je suis dans ce cas; parce que depuis 29 ans de service, je suis dans la même catégorie.

Enfin, il faut songer à recruter certaines spécificités parce que la RTB jusqu’à cette date, n’a pas de directeur de photo.

Art.BF: A vous écouter on a l’impression que les ministres qui se sont succédé au niveau de la communication n’ont pratiquement rien fait ou sont rester sourds à vos doléances
D.Z: Je n’accuse personne mais le triste constat que je fais est qu’il manque la formation à tous les domaines. La preuve est qu’aujourd’hui on est en train de passer à la numérisation intégrale sans qu’on ne pense même à former les techniciens. Les gens sont souvent préoccupés à commander du matériel, mais sans penser à former les gens qui doivent travailler sur ce matériel. (…) La télévision est un outil de souveraineté nationale; il faut qu’on sache ce qu’on veut faire de notre télévision. Certes comparaison n’est pas raison. Si vous voyez ce que la RTI a subi comme dommages pendant la crise ivoirienne et sa métamorphose aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. C’est une question de moyens comme je vous le dis. La RTB est l’une des premières chaines de télévision dans la sous-région, mais elle n’est pas toujours aussi reluisante que ça.

dzida_verti.jpgArt.BF: Est-ce donc ces frustrations qui vous ont conduit à désapprouver les propos de l’ancien ministre de la Communication au cours d’une de vos rencontres ?
D.Z : Non ! Ne faisons pas d’amalgames car ce qui s’est passé avec l’ancien ministre, est un problème de compréhension et de mauvaises interprétations. Voici ce qui s’est passé avec l’ancien ministre. Quand il était arrivé, il nous avait tous traités de pourris à la RTB. Ces propos ont été tenus sur des antennes et dans les journaux de la place. Et là, j’ai dit à monsieur le ministre que je n’étais d’accord pour cette manière de faire. En tant que responsable, c’est son droit de nous interpeller parce que le linge sale se lave en famille; que le ministre vienne nous insulter à la RTB, je suis d’accord. Mais que ce soit mon premier responsable qui est sensé me défendre qui m’insulte sur les antennes, je dis que ce n’est pas sérieux. A la RTB, tout le monde ne pas être pourri ! Si toute la RTB est pourrie, sur qui maintenant allez-vous compter pour travailler ? Je crois que c’est parce qu’il m’a interpellé nommément que beaucoup de gens ont pensé qu’il s’agissait d’un problème entre l’individu Désire ZIDA et le ministre. Sinon, je n’étais d’ailleurs pas le seul à poser la question au ministre et jusqu’aujourd’hui, il n y a pas de problème entre ce ministre et moi. C’est important que vous le sachiez !

Art.BF: Quel est aujourd’hui l’état des lieux de la réalisation au Burkina ?
D.Z : Sans me répéter, je dirai que la production cinématographique a beaucoup régressé tant en quantité qu’en qualité. Avec l’ère du numérique, on s’est dit que le numérique a ses avantages et ses inconvénients. L’avantage du numérique, c’est de pouvoir produire à moindre cout. Mais le revers de la médaille, est qu’il faut pouvoir maîtriser l’outil que vous utilisez et quand la formation ne suit pas, il y a un problème. Aujourd’hui, chacun se lève avec sa petite caméra ou parce qu’il a de l’argent, il fait son film. Mais prenez le domaine de la santé, quel que soit vos milliards vous ne pouvez pas ouvrir un cabinet médical parce qu’il faut respecter les corps de métier. On ne se lève pas du jour au lendemain parce qu’on a des idées et on devient cinéaste. Si vous allez le faire, entourez-vous au moins de certaines compétences. Si vous ne le faites pas, vous aurez beau réaliser des films, vous allez toujours courir derrière l’Etalon mais vous ne l’aurez pas . Nous avons beaucoup régressé en matière de cinéma et j’en veux pour preuve le dernier FESPACO. J’invite donc tous les collègues cinéastes, à tous les niveaux que ce soit, que l’on travaille les scénarios. Lorsqu’on fait du cinéma, il y a un minimum à capitaliser pour pouvoir réaliser.

Art.BF: Que proposez-vous concrètement pour relever le niveau de la réalisation?
D.Z: C’est la formation et il faut payer aussi les gens à la hauteur de leur travail. Lorsque vous faites du cinéma et vous ne voulez pas vous entourer de techniciens aguerris, si vous préférez les cousins ou les cousines parce que vous ne voulez pas payer correctement les professionnels, vous ne pourrez réaliser qu’un film au rabais.

Après la troisième saison de la série “Affaires publiques” par exemple, il y a eu un problème dans ce sens parce qu’on a voulu traiter les techniciens qui y travaillaient comme des fonctionnaires ordinaires. On avait dit que certains étaient des fonctionnaires et qu’on ne pouvait pas les payer. Finalement, on a fait recours à d’autres camarades de la même administration que les fonctionnaires mis en question et ils qui ont été payés. Mais attendez ! le film est d’abord une œuvre de l’esprit! Celui qui quitte chez lui à 5h du matin pour un tournage qui finit jusqu’à minuit, je pense qu’il ne peut pas être traité comme un fonctionnaire ordinaire.. Nous avons été tous recrutés à la télévision non pas pour faire du cinéma mais pour assurer la continuité de l’antenne, les captations et les retransmissions en direct. Maintenant s’il s’agit de faire un film, là c’est autre chose parce qu’il faut faire appel à d’autres compétences notamment, le talent d’acteur de ce fonctionnaire. Et ça, il faut pouvoir au moins stimuler et motiver ce fonctionnaire sinon il ne crée pas; car ventre vide ne crée pas.

Art.BF: Votre mot de la fin
D.Z: Nous sommes dans un domaine où les ressources s’amenuisent et l’état ne peut pas tout faire. L’Etat ne peut que vous accompagner à la limite de ses moyens et son accompagnement est surtout administratif. Les réalisateurs font des efforts pour écrire des scénarios mais tant que le privé n’accompagne pas la production audiovisuelle, il serait difficile de décoller. Avant, on était un comme miroir mais aujourd’hui, mais je ne sais pas si nous arrivons à nous mirer nous-même.
Dolorèse SENY (Stagiaire)

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