Idrissa OUEDRAOGO : Réalisateur

Idrissa OUEDRAOGO : Réalisateur

Bonsoir Mr Ouédraogo! toutes nos félicitations pour le monument érigé en votre honneur. Comment appréciez-vous ce geste ?

Vous avez des questions bizarres ! Je crois que je ne serai pas le seul dans ce cas parce que l’objectif est de honorer tous les étalons de Yennega. Il y a une douzaine de cinéastes qui ont obtenu le grand prix de l’étalon. Mais c’est extraordinaire de penser déjà à nous construire des monuments. C’est une manière de donner de l’importance à tous ces créateurs qui travaillent parfois dans des conditions des plus difficiles mais qui mettent tous en commun leur volonté d’exprimer ce qui leur ont été longtemps ôté par la colonisation,.c’est-à-dire nos cultures . C’est une excellente idée que de créer de tels repères et j’espère que cet élan sera suivi dans d’autres pays et dans d’autres activités car l’Afrique en a besoin. Tous les repères africains tels Sékou TOURE, Koama N’krumah sont détruits. Ils ont été dénigrés par l’impérialisme si fait qu’aujourd’hui l’Afrique n’a pratiquement pas de héros. Je suis donc extrêmement heureux d’avoir été parmi ceux dont on a érigé les monuments. Cette distinction n’est pas la première car j’ai été d’abord en même temps que d’autres cinéastes élevés au rang de commandeurs de l’ordre national. C’est une distinction très importante. Enfin, depuis 2005, mon nom est dans le Larousse. Tout cela traduit l’universalisalité de nos œuvres et cette dimension permet à l’européen d’avoir forcément un regard nouveau pour l’Afrique.

Depuis quand êtes vous dans le domaine du cinéma et combien de films avez-vous réalisés à ce jour ?

Au moins une dizaine de films avec 23 ans de métier.
1- Poko c’était déjà en 1981 avant d’aller en Europe. Je venais juste de finir mes études à l’Institut National de la Cinématographie de Ouagadougou. J’avais 26 ans à l’époque.

2- Samba TRAORE en 1981

3- Ouaga deux roues en 1984

4- Issa le TISSERAND en 1984

5- Tenga en 1985

6 -“le choix” mon premier film de long métrage. C’était en 1986

7-YAABA en 1987

8-TILAÎ en 1991

9- Karim et Sala en 1991

10- Cri du cœur en 1994

Etes-vous de l’avis de ceux qui pensent que les opérateurs économiques burkinabé ne veulent pas investir dans le cinéma ? Sur un près de 50 demandes de financement pour un film ou pour une activité culturelle, vous courez le risque de sortir bredouille.

Idrissa OUEDRAOGO, le Maestro

Je crois qu’il faut pousser plus loin la réflexion. Pour quel intérêt un opérateur économique va –t-il mettre de l’argent dans un domaine d’activité qui ne rapporte pas ? Par contre, ça peut bien fonctionné si l’Etat créée un système de défiscalisation plafonné, des plans d’allègement fiscal à l’endroit des entrepreneurs ou des hommes d’affaires. Quand c’est fait comme ça, les opérateurs vont contribuer. Les solutions sont là. Il faut seulement réfléchir et les exploiter. C’est tout ! Tout le monde sait qu’au Burkina, on vit d’impôt et de taxes. Vous comprenez ? Quel intérêt avez-vous à puiser dans votre marge bénéficiaire pour financer un film si vous n’avez pas été défiscalisés. Il faut éviter de mettre la charrue avant les bœufs. Il faut qu’on soit conscient que notre métier n’est pas le seul métier et qu’il nous appartienne de faire des propositions au gouvernement.

A cannes, les critères de sélection sont très rigoureux..
C’est pourquoi, je pense que seule une organisation des cinéastes en association forte pourrait être le salut pour l’Afrique. Il en est de même de nos rapports avec le reste du monde. Il faut une fédération panafricaine des cinéastes très forte dont le siège pourrait être à Addis Abeba auprès de l’Union Africaine. Ce sont des postes politiques et des dames comme Madame Alimata Salembéré peut bien assurer cette fonction.

Mr Ouédraogo, il y a belles lurettes que nos films ne sont plus en compétition au Festival de Cannes. Pourquoi ? Est-ce parce que les films africains ne sont plus compétitifs ?

Le niveau des films est de plus en plus bas. C’est grave ! Vous remarquerez que Sembène Ousmane est mort sans pouvoir tourner Samory. Souleymane CISSE, Gaston Kaboré ou moi-même ne produisons plus ! Il faut que nos moyens de production soient en adéquation avec nos expériences et nos rêves pour continuer de faire les films. Alors si nous ne sommes plus à Cannes, soit le niveau de nos films est bas ou alors les jeunes ne font que reprendre ce que nous avons déjà fait et ça n’intéresse plus personne. Pour ma part, le fait de ne plus être dans les manifestations internationales est une mauvaise chose pour l’Afrique.

Mais faites quelque chose ! On ne restera pas les bras croisés. Que faire pour relancer le cinéma africain ?

Moi j’ai été deux fois en compétition officielle. De ce point de vue, j’ai donné ma part de contribution. Il appartient aux autres de voir comment il faut y aller s’ils y tiennent. A cannes, les critères de sélection sont très rigoureux..

Quel message à l’endroit des jeunes qui voient déjà en vous un modèle ?
Je ne suis pas un messie ! Je suis un homme normal qui vit les mêmes angoisses et les mêmes appréhensions que le reste de la population burkinabé et africaine. Savoir garder la tête sur les épaules n’est pas facile. Nous sommes dans un domaine où on peut devenir star si l’on travaille bien. Mais ce n’est pas parce qu’on a des rêves qu’on est au-dessus des autres. Il faut surtout savoir que dans toute activité, la simplicité, la modestie et le travail sont porteurs de réussite.

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