Sirikiba Camara: Artiste sculpteur

Sirikiba Camara: Artiste sculpteur

Cet entretien est sponsorisé par François Deneulin, un français qui a toujours été séduit par le savoir-faire de son ami Sirikiba Camara. C’est grâce à ce bon samaritain que cet  entretien a d’ailleurs été possible. Installé depuis les années 1990 dans le jardin du Musée Communal Sogossira Sanou de Bobo-Dioulasso, Sirikiba Camara est un sculpteur-glaneur  qui vit entre autres de la vente de ses objets d’arts. Avec donc Sirikiba Camara, nous avons échangé sur ce qu’il sait faire le mieux (la sculpture) dans un contexte marqué par la rareté des marchés et le manque de soutien aux activités artisanales.

Ce qu’il faut retenir déjà de notre invité, c’est qu’il a toujours été passionné par la sculpture et cela, grâce à son père qui lui en a donné le goût. Entre donc Sirikiba Camara  et la sculpture, c’est une histoire de passion et non d’un gagne-pain comme on pourrait l’imaginer. La sculpture est  comme un métier de messager et l’argent, ça suit après. Il ne faut pas mettre l’argent avant le savoir,” nous dit Camara.

C’est véritablement un immense talent enfoui au Musée Communal Sogossira Sanou de Bobo Dioulasso. A chaque objet (plantes, bois, matériel usés ou pas),  Camara sait habilement lui donner  une âme, une vie; voire, une expression particulière. Dans cet entretien que l’artiste nous a accordé, vous serez transporté dans l’univers de la sculpture où l’imagination, l’inspiration et le talent se côtoient pour donner forme. Lisez-plutôt !

Sirikiba Camara : “Je suis devenu sculpteur par passion depuis ma tendre enfance. Personnellement,  je considère la sculpture comme un métier de messager et l’argent, ça suit après. Quand tu as des messages intéressants que tu véhicules à travers ton art, les gens vont apprécier. Donc, il ne faut pas mettre l’argent avant le savoir.

Artistesbf (ArtBF): Avec quelles matières travaillez-vous?

S.C. : Je travaille toutes les matières même celles qui pourrissent (bois, fromager, bananier…).  Le papayer par exemple quand il meurt, on le transforme en abat-jour en ajoutant du vernis. Mais l’éléphant que je viens de sculpter par exemple, c’est avec un bois de longue durée pouvant atteindre jusqu’à 100 ans ; ça dépend des commandes.

ArtBF : Quel message véhiculez-vous à travers votre sculpture ?

S.C. : Tout objet que je confectionne véhicule un message et normalement,  tout artiste doit se considérer comme un messager. C’est à l’artiste de voir quel message sociétal véhiculer que ce soit dans l’éducation des enfants, de la femme, de soi-même ou de la société entière.

ArtBF : D’où tirez-vous vos inspirations ?

S.C. : L’inspiration, je la trouve partout (ombre, nuage, causerie…). Ça peut être avec les amis à travers nos causeries. Je peux m’inspirer d’une idée de causerie, en tirer une leçon et l’exprimer en sculpture; voilà pourquoi j’aime les bois morts. C’est triste de voir tous ces bois morts autour de moi et du même coup, ça m’inspire. Ce n’est pas forcement l’accès à la matière, mais c’est surtout la forme qui inspire.

ArtBF : Avez-vous exposé pendant la 19e édition de la  SNC 2018 qui vient de fermer les portes ?

S.C. : J’ai plutôt participé à des compétions dans le volet sculpture.  J’ai compéti à la 18e édition en 2016 sur le thème cohésion sociale. J’avais proposé une œuvre à partir de tout le matériel utilisé par les tisserands et les fils représentaient les sociétés qui signifient qu’il faut lutter ensemble pour bâtir la nation. J’ai eu le premier prix à cette édition.

ArtBF : Quel est votre regard critique sur le secteur de l’artisanat au Burkina Faso ?

S.C. : Les œuvres burkinabé ont un problème de finition.  Les œuvres des autres pays de la sous-région ont une meilleure finition comparativement aux nôtres. Les artisans burkinabè ont donc besoin de se former pour être compétitifs.

Mais la jeune génération a beaucoup de chance d’y parvenir parce que le domaine a beaucoup évolué.

ArtBF : Quelles suggestions peut-on faire au Ministère du Commerce pour booster le secteur de l’artisanat au Burkina ?

S.C. : Si les élus peuvent ouvrir des écoles ou des centres de formation pour former les artisans, ce serait déjà bien.

ArtBF : François Deneulin est l’un de vos amis residant en France et qui apprécie bien votre travail. Grace à lui cet entretien a été possible, quel mot avez-vous à lui dire ?

S.C. : Je remercie beaucoup Mr Deneulin de vous avoir dirigé vers moi. C’est quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à l’art et d’ailleurs à ce que nous faisons ici au jardin du musée. Je l’ai connu par l’intermédiaire de mon collègue et ami sculpteur Abou Traoré et chaque fois que François est de passage au Burkina, il passe visiter nos œuvres.

ArtBF : Un mot sur la SNC de cette année ?

S.C. : J’ai beaucoup apprécié l’organisation qui a été une réussite; mais je suis déçu d’un côté parce que j’ai entendu sur certaines antennes que les artistes Ouagalais se seraient plaints parce qu’ils n’ont pas remporté beaucoup de prix. Je pense qu’entre artistes, nous devons nous comprendre, on va à la fête pour fêter. J’ai été par exemple éliminé plusieurs fois au concours de la SNC, je ne m’en suis jamais plaint parce que les jurys font leur travail et on doit les laisser travailler. Souvent,  il y’a des petits critères du jury que l’artiste ne connait pas. Ces seuls critères ou un petit détail peut suffire à l’éliminer. Par exemple quand tu sculptes un animal en position de marche, les deux pieds ne doivent pas aller ensemble; on doit percevoir que l’animal est en train de marcher. C’est comme l’être humain quand on marche, c’est la gauche ensuite la droite. Mais si toi tu fais les deux ensemble, c’est normal qu’on t’élimine. Malheureusement, le candidat ne connait pas ce détail. Je pense qu’on doit laisser les jurys décider librement. J’ai été éliminé lors d’une compétition avec une œuvre parce que le jury a constaté que ce n’était pas bien fixé. Mais ils ont précisé que l’œuvre est bien mais qu’elle n’était pas bien fixée. Donc il faut que les uns et les autres acceptent les critiques et que ce soit Bobo ou Ouaga qui gagne; c’est le Burkina qui gagne après tout !.

ArtBF : Votre dernier mot ?

Je suis très content que la presse s’intéresse à nous parce que ça peut motiver les jeunes à venir partager avec nous, nos expériences avec les petits détails que je donne. Quand tu viens à la SNC tu apprends beaucoup quelle que soit ta discipline et je vous remercie beaucoup.

S.C. : Le musée était plus grand au départ. En 90 le premier conservateur avait une formation d’artistes mais comme l’endroit n’était pas animé et qu’il y’avait aussi beaucoup d’arbres,  les gens avaient peur de venir. Donc il a recruté des artistes pour faire des animations pour que l’endroit soit fréquenté.

Entretien réalisé par Raicha TOURE

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