Burkina : La pédagogie du tourisme comme solution pour la relance du secteur touristique

Burkina : La pédagogie du tourisme comme solution pour la relance du secteur touristique

Depuis la crise sécuritaire apparue en 2015, le Burkina, bien que très touché par la double crise sécuritaire et sanitaire, se montre toujours résilient. Cependant, des secteurs comme celui du tourisme peine à se relever. Ce secteur, selon le site « les données mondiales.com », enregistrait  en 2007 près de 289 000 touristes contre 67 000 en 2020. L’écart est énorme !

Et la question de la relance du tourisme devrait être un défi constant pour les acteurs burkinabè du tourisme.  Quelle politique, quelle stratégie ou mieux, quelle pédagogie du tourisme administrée au secteur pour permettre une relance rapide des activités touristiques au Burkina Faso ?. C’est autant de questionnements préoccupants pour lesquels Nelson CONGO, ancien DG de l’Office National du Tourisme (ONTB) et par ailleurs homme de média, nous partage son expérience.

Mais avant d’en arriver là, il nous parle de ses activités  après son départ de l’ONTB  en mai 2021 ?

 Nelson CONGO (N.C.) : Permettez-moi, d’emblée, d’être reconnaissant à votre média qui me fait l’heureuse surprise en me retrouvant dans l’intention de parler du tourisme et cela, après plus d’une année de mon départ de de la tête de l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB).



Pour répondre à votre question simplement et dans l’ordre chronologique des faits, sachez que quand je passais les charges à mon successeur, j’avais sous la main une étude sur la responsabilité sociétale des établissements touristiques d’hébergement (hôtels) du pays à boucler. Il s’est agi dans cette recherche menée sur les hôtels de la région du centre-ouest, de mettre en lumière le comportement des acteurs de l’hôtellerie vis-à-vis de la responsabilité sociétale, gage d’une promotion du secteur. Du coup, je me suis attelé à terminer ce travail.

Après quoi, j’ai continué dans mon métier dans lequel tout le monde me connaît qui est celui de l’enseignement. Rappelez-vous que j’officie depuis 2015 comme enseignant permanent à l’Université Joseph KI-ZERBO plus précisément à l’Institut Burkinabè des Arts et Métiers. Parallèlement, et à l’idée de vouloir partager le peu de savoir-faire et savoir-être acquis dans l’exercice des fonctions que j’ai assumées dans les différents postes, je me suis lancé dans l’expertise nationale et internationale que j’assure à travers des prestations intellectuelles. Vous êtes présentement dans mon bureau où je concocte et peaufine régulièrement les théories, les méthodes et les approches managériales au profit des entreprises. De l’autre versant de mon profil qui est la communication, j’ai voulu redonner, un nouvel élan à l’émission « Au cœur du Développement » que j’anime sur la chaîne de télévision Impact TV. Voilà en résumé ce que je fais depuis mon départ de l’ONTB sans oublier mes autres projets dont ma ferme naissante et la gestion de mes établissements.

ArtBF : Avant  l’ONTB, vous animiez l’émission « Culture et Développement » à la télévision  « IMPACT TV  » . Quel lien faites-vous entre la culture et le développement ?

N.C. : C’est vrai que depuis 2009, la télévision Impact TV est devenue une donne indépassable dans l’espace médiatique audiovisuel burkinabè.

J’ai été par la grâce de Dieu coopté par les premiers responsables de la chaîne, dès sa création,pour animer ce grand magazine d’une heure qui s’appelle « Culture et Développement ». J’ai fait le boulot et bien pendant 10 ans avant que le magazine ne prenne aujourd’hui la dénomination « Au cœur du développement ». Il traite des thématiques du développement. Maintenant,quant à la relation entre culture et développement, je dirai que c’est une relation  évidente d’un couple.



Que serait l’homme sans sa culture ou en dehors de celle-ci ? Quand on prend la culture comme étant l’élément que tout individu trouve dès sa naissance. Et comme on le dit, la culture, c’est ce qui nous reste quand nous aurons tout perdu !

Si le Sénégal est vu aujourd’hui comme le pays qui supplante les anciens pays de l’Afrique Occidentale Française (AOF) dans presque tout, c’est grâce au Président Léopold Sédar SENGHOR qui, en effet, avait vu l’intérêt de la culture et disait qu’il pouvait faire du Sénégal le vivier de l’intelligentsia africaine à partir de la culture. Le centre Mudra Afrique à Dakar et l’Université des Mutants de Gorée en sont des exemples édifiants.Par ailleurs, est-ce que le concept ne pouvait pas être vu autrement. La culture pour le développement ou vice versa, l’un dans l’autre, le développement humain s’appuie sur nos valeurs humaines notamment culturelles. C’est une réalité de l’économie de développement !

ArtBF :Près plus de 02 ans et demi à la Direction générale de l’ONTB, quelle a été votre « pédagogie en matière de tourisme » pour le développement le secteur ?

N.C. : C’est vrai que quand je prenais service le 3 décembre 2018, dans mon discours, j’avais préconisé cette idée ou si vous voulez, cette approche. Il faut une pédagogie pour le tourisme pour lequel certains considèrent que c’est une activité élitiste. Quand bien même peut-on le prendre comme une activité sociale qui prend ses racines le plus souvent dans notre culture, il faut savoir qu’on ne peut pas l’inscrire de facto comme une notion traditionnelle du Burkina Faso parce que la chose demande un peu de modernité. Donc, il faut faire appel à une communication pour le changement de comportement si l’on souhaite changer les choses. Pour faire simple, il s’agit d’appliquer une communication pour le développement au tourisme burkinabè.

ArtBF : En quoi consistait concrètement votre pédagogie pour le tourisme ?

N.C. : Elle consistait à transformer le « mind » ou les attitudes des citoyens en faveur de la pratique du tourisme. En français facile, c’est amener le public burkinabè à consommer les produits du tourisme burkinabè. Et, en cela, il fallait aller sur beaucoup de schémas.

Les actions menées :

N.C. : Voilà ce que nous avons pu faire à titre d’exemples. Dès le 18 janvier 2019, je me suis rendu avec mon équipe pour découvrir les sites potentiels du Burkina. Entre Bobo-Dioulasso et Banfora et pendant qu’à l’époque, la carte du Burkina Faso était déjà coloriée tout en rouge, nous avons vu des touristes français et anglais qui pédalaient sur leur vélo. Ils pratiquaient le tourisme au fait. Je me suis arrêté pour échanger avec eux et je les ai décorés avec les spins SITHO. C’est un exemple très simple que certains qualifieraient d’anodin mais, je ne vous dirai pas le retentissement du geste en termes de communication touristique. Les médias sociaux s’en sont saisis et ce fut un succès inespéré.

Dans le cadre toujours des changements de comportement, nous avons posé des actions à travers des rencontres avec les acteurs institutionnels du tourisme national, c’est-à-dire ceux qui sont sensés conduire les politiques du tourisme burkinabè pour qu’on se mette d’accord pour découvrir les produits burkinabè, les consommer et les faire consommer par d’autres personnes. Ainsi, il fallait inviter les acteurs institutionnels, pour certains, et encourager d’autres,qu’ils soient en mission ou en déplacement privé,à consommer les produits locaux ; à dormir dans les établissements touristiques d’hébergement (ETH) par exemple

Tenez bien ! Quand en 2019j’aisollicité l’Hôtel SILMANDE pour la présentation des vœux du Directeur général de l’Office National du Tourisme Burkinabè à ses collaborateurs, ce fut la surprise totale dans les actes et les conduites des collaborateurs. Du jamais vu, peut-être ! Chacun y allait de sa pensée si bien que certains n’ont pas participé à l’événementiel. Comment comprendre ce paradoxe de vue de l’esprit ? Cependant, je l’aurai fait parce qu’il était nécessaire de tisser un partenariat « gagnant-gagnant » à travers des passerelles dynamiques entre l’ONTB qui fait la promotion de la destination et les hôteliers eux, vendant les produits de la destination.  C’est un acte de pédagogie de tourisme

De plus, nous avons appliqué cette pédagogie aux membres du Conseil d’Administration de l’office dans le cadre de leur renforcement de capacités. Avec mes collaborateurs, nous avons décidé de créer et de respecter des agendas touristiques en vue de leur permettre de mieux apprécier les dossiers du conseil lors des sessions.

Il fallait également créer une armada médiatique autour du tourisme. C’est ainsi que nous avons créé, à partir de l’édition 2019, le concept de« Petit-Déjeuner de Presse ». Et votre média a été au moins une fois présent à ce rendez-vous de presse au cours duquel nous annoncions les deux mois de vacances touristiques entre août et septembre.

C’est vrai que nous ne pouvons pas montrer l’impact de ces activités en termes de statistiques, mais si une troisième édition avait eu lieu, c’est un paquet touristique complet qu’on allait vendre aux différents publics. Nous n’allions pas seulement nous intéresser au seul volet hébergement mais aussi à la restauration, au transport et au kit de loisir. En un mot, c’est le rôle d’un tour opérateur en miniature que nous allions jouer. A ces actions de pédagogie touristique, il faut ajouter les actions de redynamisation du site granitique de LAONGO qui n’avait pas suffisamment de visibilité jusqu’à une certaine date. Aujourd’hui, ce site doit sa visibilité grâce à la mise à la disposition du public d’un catalogue professionnel, à l’édition d’un document pour les jeunes sur la pratique du tourisme interne et des films et des capsules pour la promotion de la destination sans oublier le site web construit selon les normes indiquées du moment.



Une année plus tard, nous sommes revenus avec un nouveau produit qui était le DASSANDAAGA de LAONGO que tous les moteurs de recherche sur Laongo vous renverront au simple clic du hashtag

ArtBF : Il semble qu’il n’y a pas de promotion à destination comme le font certains pays tels le KENYA, l’Afrique du Sud ou le Sénégal qui font leur promotion touristique à travers des grandes affiches et des bannières souvent même au cœur de certaines grandes capitales. Qu’en dites-vous ?

N.C. : Vous savez la position dans laquelle je me trouve actuellement me permet de dire franchement les choses. Mais, il faut nuancer certaines affirmations parce que le Burkina n’ira pas au-delà de son rythme en matière de tourisme. Il fera ce qu’il peut avec ses moyens de bord.C’est vrai que pour arriver à un niveau comme les destinations que vous avez citées, demande vraiment de la préparation. Je dois attirer votre attention que les choses ne se passent pas aussi facilement. Les communications touristiques ne sont pas des informations touristiques, elles ne se font pas de la même manière qu’une communication « produit ». Il faut d’abord présenter la chose. C’est la première articulation. Et en deuxième, savoir amener les gens à consommer la chose. De Façon générale, notre pays a encore du chemin à faire en matière de cette forme communication-là. Pourquoi d’ailleurs, voudriez-vous que le tourisme burkinabè soit différent de l’ensemble de la communication gouvernementale ? Il est à l’image des autres préoccupations du pays !

Cependant, je dois avouer que ce n’est pas pour autant que notre pays est le moins loti en la matière. Un effort d’organisation nous enverra dans la galaxie africaine du tourisme. Les ingrédients sont là, les ressources et les compétences aussi.

ArtBF : Quels conseils avisés pouvez-vous donner à tous ceux qui vous succéderont au niveau de l’ONTB ?

N.C. : Je répondrai à votre question en trois tons. Sans beaucoup réfléchir par rapport au premier élément, je puis dire que nous avons un patrimoine touristique pittoresque et emblématique. A l’endroit des décideurs et des autorités,je dirais qu’il faut confirmer le leadership de l’Office National du Tourisme Burkinabè dans sa mission de promotion du tourisme au lieu de continuer de spolier son autorité. Dans un adage populaire de chez moi, il est dit que « Assurément l’âne de la multitude mourra de soif » car personne ne s’y engagera pleinement. Pour revenir à votre précédente question citant de bons exemples de destinations touristiques, convenez-vous avec moi que dans ces pays, les structures de promotions le sont pleinement avec des coudées franches.Ce n’est pas le cas de l’ONTB.  M’adressant à l’ONTB, il faut qu’il soit capable de consommer les ressources qui viennent de l’extérieur en termes d’idées, de produits de « thinkthank » touristiques plutôt que de se cantonner à la recherche de la pureté de race des acteurs pour l’animation et la direction du secteur.Pour moi, toute personne peut contribuer à la promotion du tourisme burkinabé pour peu qu’elle ait de l’intérêt et un minimum de background pour le secteur ; et que les collaborateurs acceptent l’accompagner. Pour preuve, l’histoire du tourisme ivoirien retiendra Son Excellence Jean Marie SOMET, diplomate de profil pour avoir réécrit les belles pages du secteur de 2013 à 2019. Christian MATEI, le Président de Atout France, la grande faîtière de la première destination mondiale est un banquier. Que dira-t-on du secrétaire général de l’organisation mondiale du tourisme(OMT), Zurab POLOLIKASHVILI est aussi du secteur des finance. Durant mon mandat de Directeur général, j’ai vu des professionnels très compétents qui m’ont mis le pied à l’étrier aussi vite mais le revers de la médaille m’a montré des soit disant professionnels pour lesquels je n’aurais aucune admiration.

En troisième point, il faut que l’État crée des pôles d’excellence touristiques sur propositions des acteurs et des cadres du tourisme.

Allez en Côte d’Ivoire aujourd’hui, tout est écrit en matière de la stratégie.C’est l’État qui a financé « Sublime Côte d’Ivoire » près de 3000 milliards de francs CFA le plan de développement du tourisme. Descendez dans les régions, si vous êtes au village de MAN aujourd’hui, les 18 montagnes et le Mont Nimba sont là.C’est naturel certes, mais il y a eu un apport moderne. Identifions nos pôles d’excellence de tourisme et créons nos monstres touristiques.

ArtBF : Vous parliez tantôt de coudées franches, voulez dire qu’au niveau de l’ONTB, on n’a pas toujours pas la liberté d’initier ou en tant que technicien, vous ne suggérez pas les bonnes pratiques à l’autorité.

N.C. : Oui ! Le problème est dans deux les  sens. Quand on suggère une fois, deux fois et qu’il n’y a pas de retour favorable, cela décourage l’auteur de l’initiative. Il y a la qualité des initiatives qui est un déterminant majeur et gardez en mémoire que le précédent

Premier Ministre précédent Albert OUEDRAOGO a dit qu’un audit a révélé que 30% des dossiers transmis en Conseils de Ministres n’ont pas pu être examinés faute de leur qualité de conception et de traitement. Ainsi, il y a les propositions et la qualité des dossiers qui portent les projets.

Pour revenir à la création des pôles d’excellence touristiques, disons que jusqu’à présent tout est général et naturel dans notre faune culturelle et touristique. En outre, il y a lieu d’inventer de nouvelles pistes de Communication et de Marketing touristiques parce que, encore jusque-là, ce sont des informations sur le tourisme dont nous contentons.C’est insuffisant ; donc passons maintenant à la com, touristique !

ArtBF : D’accord DG, Merci infiniment. Y a-t-il quelque chose d’autre qu’on ne vous a pas permis de dire?  

N.C. : Je voudrais juste vous réitérer ma gratitude pour m’avoir retrouvé malgré cette longue absence sur la scène touristique. En fait, depuis longtemps, c’est moi qui m’étais assigné des restrictions par rapport à la prise de parole concernant le tourisme histoire de manifester cette élégance administrative permettant aux nouveaux maîtres des lieux de mener pleinement et sereinement leurs fonctions. Passé une année, la responsabilité d’appuyer la mission de promotion s’impose et que c’est maintenant l’heure de la reprise de parole.Je voudrais profiter de votre canal pour féliciter de façon officielle la nouvelle Directrice générale, Madame Marguerite DOANIO/SOU, quatorzième DG de l’office et troisième femme à la tête de cette institution depuis sa création tout en lui disant qu’elle a plus de chances que nous pour mieux impacter. A mes anciens collaborateurs internes et externes de la maison, je leur réitère mes remerciements pour tout le soutien qu’ils m’ont apporté durant le mandat. Je ne saurais oublier de faire un appel du pied aux médias pour qu’ils soutiennent la promotion du tourisme interne.

Propos recueillis par Patrick COULIDIATI

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