Patrimoine mondial : Les raisons de la tenue prochaine du G. 5A à Ouagadougou

Patrimoine mondial : Les raisons de la tenue prochaine du G. 5A à Ouagadougou

Ouagadougou abritera du 10 au 15 juin prochain la 4eme réunion des experts africains du Groupe 5a Afrique subsaharienne du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO . Qu’est-ce que c’est que le Groupe 5a Afrique du Comité du patrimoine mondial et de quoi sera-t-il question au cours des cinq jours d’échanges ? C’est ce que le Dr Docteur Vincent SEDOGO, Maître de conférences en histoire africaine évoque dans l’entretien que nous vous proposons.

Le Docteur Vincent SEDOGO est le Directeur Général du patrimoine culturel au Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme.

Dr Vincent SEDGO, Maître de conférence en histoire africaine

Docteur Vincent SEDOGO (V.S) : Je crois pouvoir dire que je suis l’un des acteurs clés de l’organisation de cette réunion de Ouagadougou. C’est la réunion des experts africains du groupe 5a qui réunit l’ensemble des experts de l’Afrique subsaharienne. Permettez-moi dans un premier temps de vous situer le contexte dans lequel ces groupes sont organisés et la spécificité du groupe africain avant  de répondre à votre question.

CONTEXTE ET JUSTIICATION DE L’ORGANISATION DES PAYS EN GROUPE

1 – La stratégie de l’UNESCO

C’est soucieux de la protection du patrimoine mondial de valeur universelle exceptionnelle que l’UNESCO a compris la nécessité d’adopter une Convention internationale pour la protection du patrimoine culturel et naturel. Après plusieurs années de mise en œuvre de cette Convention, on s’est rendu compte que de nombreuses difficultés subsistent. Beaucoup de défis restent à relever en matière de protection du patrimoine culturel.

L’histoire de l’Humanité est émaillée de plusieurs évènements aussi bien heureux que malheureux notamment les guerres, les famines et les catastrophes naturelles. Mais à côté, il y a aussi l’action de l’homme qui contribue activement à détruire ce patrimoine si toutefois, on n’y prend pas garde. Donc, l’un dans l’autre, la nécessité de protéger ce patrimoine a été sentie. A partir de cet instant, il y a  eu plusieurs Etats qui se sont engagés auprès de l’UNESCO pour la protection de ce patrimoine culturel et naturel. C’est ce qu’on appelle “la Convention de 1972” sur la protection du patrimoine mondial culturel et naturel.

Pour pouvoir permettre à tous les Etats d’y contribuer, on a compris que c’était difficile de réunir tous les pays du globe dans un même cadre afin qu’ils puissent individuellement parler de la même manière. Donc, l’UNESCO  a trouvé une stratégie qui a consisté à organiser ces pays en groupe.

Ainsi, chaque groupe représente un certain nombre de pays qui est soit une portion d’un continent ou totalement un continent en fonction bien sûr, de l’envergure. En Afrique, le Burkina Faso est logé justement dans le “Groupe 5” qui réunit l’ensemble des pays Afrique. Le “Groupe 5 a” comprend les pays de l’Afrique au Sud du Sahara. Le “Groupe 5 b “réunit les Etats Arabes

Notre pays se trouvant au Sud du Sahara fait partie non seulement des Etats partie à la Convention, mais aussi est membre de ce “Groupe 5a”.

Qui parlera pour qui et au non de qui ?

Pour ce faire, l’UNESCO à travers ses Assemblées Générales, demande au pays de s’organiser pour désigner des représentants qui vont parler au nom d’un groupe précis. Il ne s’agit donc pas pour l’ensemble des pays d’Afrique au Sud du Sahara de venir parler ou défendre individuellement leurs dossiers.

On permet donc à chaque groupe de s’organiser pour désigner des représentants qui vont siéger au Comité du patrimoine mondial. Je rappelle que Le Comité du patrimoine mondial comprend 21 pays du monde au sein desquels se trouvent des représentants du “Groupe 5a”.

Lire aussi : Citères et procédure d’inscription d’un bien naturel ou cutlurel “.

Lors de la 38ème session de l’Assemblée Générale de l’UNESCO tenue à Paris, en France en novembre 2015, le Burkina Faso a été sollicité pour réfléchir au changement du mandat de l’ancienne équipe représentant l’Afrique Subsaharienne. C’est ainsi qu’il a été décidé d’envoyer les CV de deux experts comme candidats du Burkina Faso pour faire partie du Comité du patrimoine mondial au compte du Groupe. C’était mon CV et celui de Dr Ollo Théophile DIBLONI du Centre National de la recherche scientifique et technologique (CNRST) expert du domaine du patrimoine naturel qui ont été retenus. Depuis lors, c’est lui et moi  qui représentons le Burkina Faso et qui siégeons au Comité du patrimoine mondial.  Notons que notre pays a été élu membre du Comité du patrimoine mondial en novembre 2015 pour un mandant de 5 ans ; c’est-à-dire, de 2015 à 2019. Pendant ce mandat, nous avons un certain nombre d’obligations à respecter vis avis de l’UNESCO, de notre pays mais aussi des autres pays de la sous-région et d’ailleurs.

Notre candidature a été fortement encouragée pour plusieurs raisons.

Dr Vincent SEDEGO : ” Nous ne représentons pas seulement les pays d’Afrique francophones ; mais toute l’Afrique de l’Ouest”

La première raison est qu’en matière de protection du patrimoine culturel, nous avons montré beaucoup de facteurs, notamment l’engagement des plus hautes autorités de notre pays, de nos experts et de nos chercheurs à protéger notre patrimoine. Cela s’est traduit entre autres par la réalisation d’importants inventaires qui ont permis de répertorier les potentialités culturelles et naturelles sur notre territoire. Il faut souligner que nous avons ratifié la Convention de 1972 portant protection du patrimoine culturel en avril 1987. Après cette ratification, nous avons œuvré à respecter nos engagements à travers la création des instruments de protection et la mise en place d’une institution forte pour prendre en charge ce patrimoine.  La création d’un ministère plein en charge de la culture répond à ce souci.

Ensuite nous avons adopté une loi  en 2007 (n°024-2007 AN du 13 novembre 2007 portant protection du patrimoine culturel au Burkina Faso). Après l’adoption de cette loi, nous avons également élaboré et adopté une politique nationale de la culture et du tourisme en 2009. Nous avons également ratifié un certain nombre d’autres conventions internationales en matière de protection du patrimoine naturel, qui montrent effectivement notre disponibilité à contribuer à la protection du patrimoine culturel. Indépendamment de cela, nous avons dans nos équipes scientifiques et techniques, des cadres hautement qualifiés qui œuvrent dans ce domaine qui trouvent en tout cas des missions fondamentales à jouer dans le cadre de la protection du patrimoine culturel.

L’un dans l’autre, notre position dans la sous-région Ouest-africaine est aussi un atout parce que nous sommes un pays carrefour de rencontre et de brassage de plusieurs cultures.

L’autre raison qui a milité en faveur de notre candidature, c’est notre position stratégique par rapport aux autres pays concurrents. Pays francophone ouvert sur plusieurs pays francophones et anglophones, le Burkina Faso est plus apte à défendre certaines positions tant bien sur le plan international diplomatique qu’au plan organisationnel.

Donc ce sont autant d’atouts qui ont pesé favorablement avec l’appui de l’UNESCO et les experts sur place à valider notre candidature comme membre du Comité du patrimoine mondial pour le compte du “Groupe 5a”.

Est-ce donc le Burkina Faso qui représentera toute l’Afrique de l’Ouest ?

Plus au moins ! Nous ne représentons pas seulement les pays d’Afrique francophones ; mais toute l’Afrique de l’Ouest en lien et en synergie bien entendu avec les autres pays membres du Comité. Le principe de travail du groupe n’est pas seulement de s’interesser à une région seulement, en encore à un pays. Il s’agit de défendre les intérêts d’une partie du continent africain à travers une vision, une démarche et des moyens afin de positionner notre continent sur l’échiquier mondial notamment, à travers les listes du patrimoine de l’UNSESCO.  Nous avons par exemple convenu qu’il ne s’agit pas seulement pour un pays africain de vouloir inscrire à tout prix un bien culturel ou naturel sur la Liste du patrimoine mondial. Il faut un bon dossier composé à partir d’un bien qui a une valeur reconnue universellement comme exceptionnelle.

Qu’entendez-vous par patrimoine universel exceptionnel ?

On peut entendre par là que l’UNESCO a défini un certain nombre de critères permettant bien de dire qu’un bien l’est ou pas. Le premier critère, c’est qu’il doit représenter un chef d’œuvre du génie créateur humain. Le deuxième, c’est que le bien doit témoigner d’un échange d’influence considérable pendant une période donnée ou dans une ère culturelle déterminée sur le développement de l’architecture ou de la technologie des arts monumentaux, de la planification, des villes ou de la création des paysages .. etc. Il y a essentiellement 10 critères dont 5 critères culturels, 1 critère neutre et 4 pour le patrimoine naturel. Il y a des critères bien définis et qui montrent qu’un bien a une valeur universelle exceptionnelle pour l’humanité.

Propos recueillies par Patrick COULIDIATY et Fatim BARRO

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